Un bon vieux Caddy !

Homer a écrit l’Iliade et l’Odyssée, semble-t-il. Dans ces ouvrages, il s’agit de quêtes, trop grandes, impossibles à réaliser pour le commun des mortels, mais de celles qui laissent quand même l’espoir d’arriver à quelque chose, un jour, quand le bâton du pèlerin callera le départ.

Plusieurs auteurs ont tentés de se coltiner la quête, notamment Jacques Poulin avec Volkswagen Blues, mais pour qu’elle soit réussie, plusieurs éléments doivent être présents. Il serait possible d’en écrire des milliards, chacun en porte une en lui, mais toutes ne seraient pas intéressantes d’un point de vue littéraire.

Biz, Sébastien Pichette, rappeur et membre du groupe Loco Locass, propose au public depuis le 3 octobre dernier son sixième ouvrage chez Leméac : Cadillac, un roman-voyage qui met en scène Derek, ancien joueur de hockey professionnel forcé à la retraite avant son premier match. Ce dernier voit sa vie chamboulée lors de l’annonce double de la grossesse de sa blonde et du décès de son grand-père paternel.

À la recherche de ses racines, le vendeur de Cadillac part sur les traces de son ancêtre, français et fondateur de Détroit, Antoine Laumet de Lamothe Cadillac. Cette quête le mènera sur des lieux chargés de mémoires et lui permettra de se plonger, notamment, dans le passé victorieux de la francophonie.

Évidemment, le passé historique est au cœur même de la quête de Derek, qui se rend à Détroit, à l’endroit même où il aurait joué professionnellement, si seulement. Les rencontres qu’il y fera seront toutes sous le signe de l’ancêtre et du rapport de l’ancien hockeyeur à son histoire. Les blessures vives demandent un baume et c’est aussi loin de chez lui que Derek réussira à retrouver le souffle qui lui manquait pour poursuivre sa game.

De rappeur à enseignant prolixe

L’artiste, qui a suivi le conseil de son éditeur, Jean Barbe, a arrêté de faire du rap et se consacre désormais à la littérature. Reconnu pour son amour de la langue française et pour son nationalisme engagé, il n’a cependant pas choisi de se déposséder de sa verve et de sa quête du mot juste. Il n’est donc pas surprenant de percevoir derrière la plume de l’auteur un propos appuyé qui, parfois, s’insinue entre le lecteur et les personnages.

À plusieurs reprises, l’impression est tenace d’être confiné dans une salle de classe où l’enseignant, emporté par son discours, bourre l’assistance de dates, de faits historiques et de détails entourant la découverte de telle ou telle partie du globe. Bien que le propos demeure intéressant, l’assistance attend tout de même patiemment la poursuite de la trame initiale.

La découverte de Détroit, cependant, à travers le regard du protagoniste, semble juste et propose une réflexion intéressante sur ces grandes villes américaines laissées à l’abandon. Les lieux dépeints emmènent le lecteur au cœur de certains quartiers avec force détails et donnent au propos une authenticité, mais les clichés sont nombreux et le récit, tout de même très prévisible.

Est-ce que l’auteur a réussi à nous proposer une quête identitaire digne de mention? Non! A-t-il réussi à proposer un propos riche et intéressant? Oui, mais encore faut-il que vous soyez avide d’histoires et ouvert à la découverte. Si c’est votre cas, plongez au coeur de Détroit, de ses origines, et poussez l’audace jusqu’à en faire votre prochain road trip.

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