Le chemin d’en haut : deuils et héritages

Après Livre de bois publié en 2017, Jean-Philippe Chabot revient cette année avec Le chemin d’en haut, son deuxième roman. L’auteur signe ici une œuvre dense, complexe, mais qui a le mérite d’éviter l’éparpillement thématique. Il y traite de sujets délicats avec douceur et sensibilité. Si la lecture du chemin d’en haut est exigeante, elle n’en demeure pas moins imbibée d’une richesse littéraire qui gagne à se faire découvrir par une lecture attentive et approfondie. Parfait pour clore la saison estivale.

Par William Pépin, journaliste multimédia

Prophéties intriquées

C’est avec surprise que j’ai parcouru les premières pages de ce chemin d’en haut : rares sont les récits qui vous emportent dans une spirale émotionnelle aussi belle que chirurgicalement décousue. C’est par le sentier sinueux du deuil que Jean-Philippe Chabot nous ramène à la terre, dans cette zone empreinte d’une nostalgie amère, lieu que l’on souhaite souvent quitter pour s’épargner une quelconque souffrance et, paradoxalement, que l’on désire parfois retrouver pour y reconstruire une vie par-dessus les cendres de celles qui précèdent. Difficile, parfois, de ne pas y voir l’héritage d’une prose ferronnienne, à la fois orale, sombre, dense, mais pourtant si lucide.

La narration se déploie par spasmes, avec ces éclats mémoriels qui nous propulsent d’une situation à l’autre, avec ce talent qu’a Jean-Philippe Chabot de créer des images à la fois percutantes et lointaines, des échos de vie à notre portée tout en étant souvent insaisissables. C’est d’ailleurs un roman qui gagne à ce qu’on lui accorde une deuxième lecture : l’humanité transpire de ces pages.

« Tu t’y attendais pas. Ta vie se met en perspective, ses deux seuls événements bout à bout : ta naissance, ta mort. Tu te dis : c’était rien que ça. Plus t’en as long entre les deux, plus t’accumules, plus c’est le désordre. Du bruit, des bruits de corps sur du bruit de fond. Ça continue de remuer, de se mélanger. »

Comme dans un rêve

L’enchaînement des événements se fait un peu à la manière d’un rêve : tout y est à la fois ficelé sur le plan thématique et discontinue sur le plan de l’enchaînement causal. Les allers-retours sont nombreux, encadrés par ce décompte en cinq parties qui culmine vers une fin aussi déchirante qu’éclairante. Ce qui m’a le plus fasciné avec ce nouveau roman de Jean-Philippe Chabot, c’est sans doute le fait que l’on y côtoie la mort constamment, sans que celle-ci nous contamine pour autant. Oui, elle est là, palpable, mais on peut l’aborder avec douceur et lucidité. D’une certaine manière, Le chemin d’en haut nous apprend à tourner la page.

J.P. Chabot, Le Quartanier, Montréal, 2022, 224 pages.

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