Cinéma: Des habitudes qui se transforment?

Le rapport de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec (OCCQ), rendu public à la mi-février, indique que la fréquentation des salles de cinéma a baissé de manière importante en 2016. Les films québécois ont par ailleurs attiré nettement moins de spectateurs que par les années passées.

L’an dernier, 18,6 millions d’entrées pour les salles de cinéma de la province ont été enregistrées. Selon l’OCCQ, il faut remonter à 1994 pour observer un nombre d’entrées aussi faible. Le taux d’occupation des salles n’est guère plus reluisant : il a atteint 9,6 %, le taux plus bas depuis quatre décennies. La baisse de l’assistance (7,1 % de moins qu’en 2015), couplée à un nombre de projections demeuré assez stable (-0,4 %) explique ce taux d’occupation anémique.

Les films québécois ont été particulièrement boudés du public en 2016. 1,2 million d’entrées ont été comptabilisées pour ces films, soit 400 000 entrées de moins par rapport à l’année précédente. Seuls trois longs métrages ont franchi le cap des 100 000 entrées, Les 3 p’tits cochons 2, Votez Bougon et 1 : 54.

L’assistance a également été en baisse pour les films issus du reste du pays et d’ailleurs dans le monde. Seule l’assistance pour le cinéma américain n’a pas fluctué par rapport à 2015.

Des pratiques en mutation

Selon Annie Bérubé, bibliothécaire-conseil en études cinématographiques, et Nathan Murray, spécialiste de cinéma pour Impact Campus et étudiant au DESS en enseignement collégial, plusieurs causes peuvent expliquer la baisse d’engouement pour les salles obscures.

Une de ces causes serait liée à un changement dans la manière de consommer le cinéma. « On le répète beaucoup, le cinéma en salle est devenu moins populaire en raison de l’arrivée de Netflix et de la sortie de films rapidement en ligne ou directement en ligne », note Nathan.

Les séries télévisées pourraient également être à l’origine d’une baisse d’intérêt pour le cinéma en général. « Les séries télévisées sont de plus en plus cinématographiques, The Crown et The Young Pope sont de bons exemples », déclare le cinéphile de longue date. Or, ces séries seraient de plus en plus en plus populaires. « Certaines personnes me disent ne plus aller au cinéma, car justement, ils écoutent des séries », renchérit Annie Bérubé.

Prix élevé et problèmes de distribution

Le prix des billets peut aussi constituer un frein considérable, d’autant plus que la situation économique au Québec durant les dernières années n’a pas été particulièrement avantageuse pour plusieurs. « Lorsque l’économie ne va pas très bien, on coupe dans le superflu, et le cinéma fait partie de cela », ajoute Nathan en ce sens.

Certaines personnes optent donc pour des « valeurs sûres » au moment de choisir un film, entre autres des films de superhéros américains, dont les franchises ne semblent pas s’essouffler.

Des problèmes de distribution pourraient également expliquer que certaines personnes fréquentent moins les cinémas. « Il y a des films que les gens aimeraient peut-être voir, mais ils n’en ont pas l’occasion, car ils ne sont pas à l’affiche ou ils le sont pendant très peu de temps », poursuit l’étudiant au DESS. Ce problème ne semble toutefois pas être nouveau.

Le cinéma dans les années à venir

Malgré les résultats préoccupants du rapport de l’OCCQ, Annie Bérubé croit que les cinémas ne sont pas voués à disparaître. « Aller au cinéma demeure une expérience que plusieurs personnes aiment, c’est une sortie. Les plateformes numériques vont prendre de l’ampleur au courant des prochaines années, mais elles ne feront pas disparaître complètement le cinéma en salle. J’ai bon espoir », déclare la spécialiste de cinéma.

L’avenir du cinéma québécois, quant à lui, n’apparaît pas nécessairement sombre; 2017 pourrait d’ailleurs être une meilleure année. Des films fort attendus, notamment Ça sent la coupe, De père en flic 2 et Bon Cop Bad Cop 2, prendront l’affiche au courant de l’année et renverseront peut-être la tendance observée en 2016.

Or, pour garantir la pérennité de son cinéma et en faire davantage la promotion, le Québec pourrait s’inspirer de la Corée du Sud, selon Annie Bérubé. « Dans ce pays asiatique, une loi oblige les propriétaires de cinéma à diffuser des films sud-coréens plus de 70 jours par année », informe-t-elle.

Il s’agirait d’un incitatif à aller voir ces films, d’autant plus que les cinéastes savent que leurs créations ont plus de chance d’être diffusées. L’offre de films est alors bonifiée, et tous semblent gagnants au final.

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