La carte des étoiles : Constellation tragique

La célébrité Hollywoodienne fascine, parfois jusqu’à l’obsession. Il est vrai qu’il y a peu de choses qui séparent le fan du fanatique. Qu’est-ce qui nous attire autant chez ces personnalités plus grande nature ? Leur talent à l’écran ou les scandales de leur « vraie » vie de tabloïdes ? David Cronenberg dans son dernier film, La carte des étoiles,  nous présente que la vie dans la sainte forêt du divertissement est inévitablement  tragique.

Le Hollywood de Cronenberg est tragique, au sens que le théâtre grec antique l’entendait. Mais au lieu de présenter des rois et reines en toges, le réalisateur utilise un équivalent contemporain : les demi-dieux que sont les stars d’Hollywood. Que ce soit dans l’inceste, la violence ou l’amour, le destin se joue des protagonistes. Le sentiment de malheur nous est présenté dès les premières notes du générique d’ouverture, d’une lourdeur angoissante. Chaque personnage ne peut y échapper, la fatalité est la seule conclusion possible pour chacun d’entre eux.

L’épopée tragique commence par une jeune adulte défigurée par les brûlures d’un incendie, Agatha, qui arrive en autobus à Hollywood. Plus le film avance, plus cette jeune femme nous apparaît troublée, sans tomber dans les clichés de la folie, grâce au jeu subtil de Mia Wasikowska. Nous la suivons à son arrivée, où elle est complètement émerveillée par la capitale du divertissement. On comprend rapidement qu’elle fait un retour : elle revient d’exil. Au compte-gouttes, les fantômes du passé se dévoileront aux personnages et à nous, donnant un rythme tout de même efficace à l’histoire.

D’ailleurs, on ne peut enlever au film d’être un efficace thriller aux accents poétiques. Que ce soit avec la répétition du poème « Liberté » écrit par Paul Éluard ou la désinvolture inquiétante d’Agatha, nous sommes attirés inexorablement par  la conclusion de l’histoire. On veut comprendre comment tous ces petits moments étranges se rejoignent et forment un tout. Ce qui est décevant, c’est justement le cul-de-sac auquel tous ces éléments nous mènent. Les références sont innombrables, mais n’ajoutent rien. Il en sort plutôt une constellation de scènes, certaines intéressantes, d’autres qu’on oublie facilement, d’autres dont on ne sait quoi penser.

Tout de même, les réflexions sur le temps sont intéressantes. Elles sont le fait de deux personnages : celui d’Havana Segrand, une actrice sur le déclin jouée par Julianne Moore, et un enfant vedette blasé (et un peu blasant…) interprété par Evan Bird. L’actrice est une belle cruche, effrayée par la vieillesse et troublée par ses propres chimères. Quant à la jeune star de 13 ans, elle sort d’une cure de désintox… Les deux vedettes, bien qu’ayant une grande différence d’âge, tentent toutes les deux de redonner de l’éclat à leur carrière. Leur histoire vécue en parallèle nous donne un point de vue rafraîchissant sur la vulnérabilité des célébrités face à l’opinion publique, mais surtout sur l’impossibilité de modifier le passé.

Au final, quand les lumières se rallument, on est peu indifférent à ce qui nous a été présenté. Oui, on a ressenti un inconfort face aux gestes violents et les tourments des personnages, mais ce malaise est plutôt provoqué par le manque d’humanité. On a plus l’impression de voir un enchevêtrement de symboles tragiques plutôt que de ressentir le sentiment terrible d’une tragédie.

À l’affiche dès le 31 octobre au Clap.

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