Critique Cinéma : Le Nez de Kim Nguyen

L’odeur d’un premier amour et d’une brioche à la cannelle

Kim Nguyen, le réalisateur de Rebelle, offre avec ce nouveau long-métrage documentaire un voyage olfactif à travers le Maroc, la France et l’Italie. Le Nez est un retour dans le temps, un souvenir et l’avenir.

Molly Birnbaum est une journaliste américaine. Il y a quelques années, elle a perdu l’odorat à la suite d’un accident. Ses souvenirs et son cœur se sont noyés sous une mixture noire et dense lorsqu’elle a compris que le parfum de caramel de son premier amour avait disparu pour toujours.

Franco Canta est transporteur de truffes. Quand il était petit, il avait honte de voir son traditionnel croissant troqué pour un sandwich aux champignons supposément aphrodisiaques qu’il devait manger devant tous ses amis de la cour d’école. Aujourd’hui, ce sont les truffes qui font vivre sa famille.

Guide Lennsen est un inventeur et un entrepreneur. Il a consacré une longue période de sa vie à recueillir et analyser l’odeur vaginale des femmes, qu’il faisait juger, apprécier et déprécier par des hommes. Après des années de recherches intensives, il parvint à créer le parfum « Vulva Original ».

C’est à la rencontre de belles histoires que va le documentaire de Kim Nguyen. Le Nez entre dans l’intimité de François Charron, sommelier, qui, d’une simple odeur, se rappelle les matchs d’hockey de son enfance et les brioches à la cannelle du Dunkin’ Donuts. Il accompagne aussi des cueilleurs de safran et des spécialistes de l’olfaction dans les grands périples du nez, tout en découvrant les secrets de l’ambre gris, une infection intestinale et inestimable qui se produit parfois chez les baleines.

Si dans Le Nez le contenu se fait incroyablement intéressant, l’esthétisme formel est, pour sa part, nettement plus décevant. La majorité du documentaire est tourné en plans plutôt rapprochés, ce qui permet d’entrer dans la psychologie des individus interrogés. Malheureusement, ça empêche aussi le spectateur de se situer dans le temps et l’espace. La composition de l’image semble parfois négligée et l’éclairage est souvent fade. Il faut toutefois savoir qu’il s’agit d’un documentaire tourné « sur le vif » et que la majeure partie du temps, les propos soulevés par les images font oublier le reste du monde. Au fond, on ne peut presque rien reprocher à Kim Nguyen. À part peut-être que les 84 minutes de son documentaire passent trop vite.

Et tout ça ne serait rien si ce n’était du dernier plan. Une vieille dame dans son chandail rose pâle essaie de se rappeler à qui appartient l’odeur de muguet qu’on lui fait sentir. Elle essaie, elle essaie et elle essaie si fort de mettre un visage sur ce parfum floral.

Et puis, elle se souvient. Les plus beaux moments de notre vie se trouvent juste là, sous nos yeux. Dans notre nez.

4,5/5

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