La pop éthérée, aérienne, vaporeuse ou atmosphérique — choisissez — est à la mode, en vogue chez les critiques comme chez un certain public, qui trouve là de quoi rassasier un appétit dévorant pour l’expérimentation, la nouveauté, la « recherche musicale ».

Critique de l’album « Forêt »

ForêtLa pop éthérée, aérienne, vaporeuse ou atmosphérique — choisissez — est à la mode, en vogue chez les critiques comme chez un certain public, qui trouve là de quoi rassasier un appétit dévorant pour l’expérimentation, la nouveauté, la « recherche musicale ». Dans la lignée de Karkwa, Forêt, premier album du duo éponyme, constitue une offrande qui ravira probablement les inconditionnels du genre.

Au cœur du projet, trois composantes essentielles, qui se marient pour donner naissance à cette Forêt instrumentale et vocale. Une musique, d’abord : celle de Joseph Marchand, guitariste et compositeur, collaborateur d’Ariane Moffatt et de Pierre Lapointe, qui coréalise l’album avec François Lafontaine — le claviériste du groupe Karkwa, eh oui ! Cette musique enrobe véritablement l’album, tout en textures, en motifs, en atmosphères. À cette armature brumeuse mais omniprésente vient se greffer une voix : celle d’Émilie Laforest, envoûtante et légère, qui hante les différentes pièces, comme flottant d’une chanson à l’autre, intense mais évanescente. Et, au-delà, il y a les textes du poète Kim Doré, auteur principal des chansons, des textes puissants, nostalgiques, émouvantes incantations.

En dépit de cela, et malgré la collaboration de musiciens et d’artistes chevronnés ( Philippe Brault à la basse, Robbie Custer à la batterie, Guido del Fabro au violon et à la mandoline, Pierre Girard à la prise de son et au mixage, et même Pierre Lapointe, qui pousse la note dans L’amour de marbre ), la Forêt du duo formé par Laforest et Marchand demeure profondément rébarbative. On appréciera l’effort musical, le produit exigeant, mais rien à faire : la musique écrase et agresse par sa densité, ses innombrables répétitions, sa volonté de tout envelopper, d’inonder littéralement l’album en vagues successives, entêtantes, souvent hypnotiques mais rarement agréables. Quant à la voix d’Émilie Laforest, d’une rare beauté, et qui rappelle parfois les effets vocaux de Marie-Pierre Arthur, en plus éthérée, elle surnage difficilement : le rythme incantatoire de paroles presque psalmodiées touche souvent à la monotonie, et l’oreille se rebiffe, l’attention vole loin de paroles pourtant superbes. On cherchera presque toujours vainement la mélodie agréable dans l’ensemble, malgré quelques pièces plus réussies — Je tombe avec la pluie et Après la guerre, notamment. Certains apprécieront cette musique « hantée », mais la plupart trouveront à cette balade en forêt bien peu d’agréments.

2/5
Nathan Murray

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