Photo : Iyad Kaghad

Feydeau à la Bordée : Du vaudeville au sommet de son art

Pour la première fois, le vaudeville de Georges Feydeau s’est invité à La Bordée. Pour la première, mercredi 2 mars, les comédiens ont présenté une compilation des pièces du dramaturge français. Celles-ci ont conquis un public plus hilare que jamais.

Tout commence dans la pénombre. Six comédiens foulent les planches…en bobettes d’époque. Trois couples s’amusent, dansent et se taquinent dans l’air du temps. L’éclairage intime est parfaitement adapté aux coquineries auxquelles ils se livrent. Cette entrée en la matière se poursuit par le choix des quatre pièces qui seront jouées. Après la sélection du public, les comédiens ouvrent le bal avec un bel hommage au maître du vaudeville : « Ciel, le public ! ».

Le metteur en scène Jacques Leblanc a mené d’une main de maître cette réadaptation en misant sur sa plus belle carte : le talent des comédiens et les situations burlesques du vaudeville de Feydeau. Dans Amour et piano, le quiproquo est d’une drôlerie sans pareil. Lorsque Édouard, joué par Patrick Ouellet, bat la mesure en fessant la pauvre Lucile, interprétée par Chantal Dupuis, le comique de situation est à son apogée.

La poursuite du spectacle avec C’est une femme du monde tourne en dérision les amours et les relations extraconjugales. Chacun connaît l’autre, mais personne ne sait qui fricote avec qui. Les personnages sont dans leurs petits souliers, le malaise, au rendez-vous. De quoi rire à s’en tordre le ventre.

Un spectacle crescendo

À mesure que le spectacle avance, la drôlerie s’intensifie. Avant l’entracte, le public s’est régalé avec les florilèges tournant « légèrement » en dessous de la ceinture. Monika Pilon, Sophie Dion et Chantal Dupuis ont ainsi chanté sans complexe « Les nuits d’une demoiselle » de Colette Renard et Raymond Legrand. Juste ce qu’il faut pour s’esclaffer.

Que c’est bon d’être demoiselle, car le soir, dans mon petit lit; Quand l’étoile Vénus étincelle, quand doucement tombe la nuit ; Je me fais sucer la friandise, je me fais caresser le gardon; Je me fais empeser la chemise, je me fais picorer le bonbon

– Les nuits d’une demoiselle, Colette Renard et Raymond Legrand

Un bain de ménage calme le jeu par une drôlerie plus timide que les autres pièces. Mais Monika Pilon a relevé le rire d’un cran avec la fraîcheur ingénue de son personnage de femme de chambre, Adélaïde. Dans cette pièce, on est également saisi par la prestation de Patrick Ouellet qui met l’accent sur le comique de langage de son personnage, Catulle, un imbécile heureux.

Dormez, je le veux ! est de loin la pièce la plus drôle. Olivier Normand qui interprète Justin, un domestique malicieux, se confond à merveille dans son rôle de sacripant. L’hypnose de Boriquet est jouée avec justesse et humour par Ouellet. Le plus drôle est sans nul doute l’imitation d’un primate. Pour finir, Bertrand Alain, dans le rôle de Valencourt, offre une prestation grandiose. Son ton est placé, ses absences et endormissements sur scène désopilent jusqu’à la démesure, et ce, sans jamais lasser le public.

Outre le jeu des comédiens, il convient de mettre à l’honneur le talent du costumier Sébastien Dionne. Les costumes sont bien réalisés, fantasques parfois, à l’image de l’immense chapeau jaune mimosa de Monika Pilon dans C’est une femme du monde. Son rôle de cruche candide se marie à merveille avec ce costume. Pour ce qui est du décor, Ariane Sauvé a su représenter avec goût l’ameublement typique des bourgeois parisiens.

Au théâtre de la Bordée jusqu’au 26 mars 2016.

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