Critique littéraire : De bois debout

Survivre au pire

Les aléas de la vie semblent toujours venir en lot. Dabord un malheur, puis deux, puis tout s’écroule. Cest en plein lhistoire dAlexandre, qui na pas encore 20 ans, le protagoniste du roman De bois debout.

Se côtoient dans cette œuvre la douleur, l’amour qui la surpasse et les livres comme remèdes, comme refuges dans les moments troubles. Avec ce troisième roman, Jean-François Caron s’intéresse aux drames qui peuvent survenir à tout moment et aux façons de s’en remettre.

Un coup de feu qui ne devait pas être tiré et la vie d’Alexandre qui bascule. Son père est mort devant ses yeux d’une balle qui lui laisse un trou béant dans la tête, comme dans la vie de son fils. Alors Alexandre détale, s’enfuit à travers la forêt de Paris-des-bois, un village fictif loin de tout. Il débarque chez Tison qui vit en périphérie du village depuis qu’une tragédie a ravagé le cours paisible de ses jours avec son fils et lui donna son surnom si éloquent.

Sans trop se parler, sans trop poser de questions, les deux vont se comprendre. D’une certaine façon, leur détresse est universelle. Même si rien, ou presque, ne rapproche leurs drames, ils ont vécu la peine, la tragédie et savent ce qui en ressort.

Telle une plongée dans les souvenirs, De bois debout explore les drames personnels des personnages et les stigmates laissés. Les épisodes marquants ne sont toutefois pas vécus par lecteur. Au contraire, Alexandre et les autres les revivent, y repensent, et le tout s’axe autour de qu’ils en retirent plutôt que ce qu’il en a été.

La parole pour mieux se souvenir

De bois debout emprunte au théâtre une forme présentant les dialogues d’une façon distincte de la narration. Par cette manière d’aborder sa prose, Caron a pu inspirer à son roman un souffle qui en fait une de ses forces. Il y a l’histoire d’Alexandre et celle des autres gravitant autour de lui qui sont racontés. Mais ces récits en disent bien peu, trop peu en fait. Ce sont les personnages, en prenant la parole, qui racontent l’essentiel. À la manière d’acteurs, ils prennent vie au fil du roman et accompagnent le lecteur, jouant presque la scène pour lui. Leurs voix s’élèvent, se font écho, donnent corps à cette œuvre.

Le roman interroge la nécessité de l’art. Broche-à-foin, le père d’Alexandre, tient ce surnom de sa réputation de travailleur manuel. Ce travail, il l’oppose aux livres où la vraie vie n’aurait pas lieu selon lui. Pour lui, l’existence ne se retrouve pas à travers les pages d’un roman, mais bien avec ses mains, à la sueur de son front.

L’auteur affirme plutôt le contraire. Les livres, comme les souvenirs, servent à la fois de refuge et d’explication. La misère, la peine, la mort ne trouvent peut-être pas leur justification, mais elles sont un peu mieux comprises, voire acceptées.

De bois debout est un roman dense, doté d’une voix forte, qui porte, qui a du souffle. L’œuvre entre facilement en dialogue avec son lecteur, le questionne, l’amène lui-même à se souvenir. Un lecture à la fois captivante et qui amène à la réflexion

4/5
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