Critique littéraire: Les chants du large

Traduit de langlais par Carole Hanna, ce deuxième roman de Emma Hooper, auteure acclamée dès sa première offrande Etta et Otto (et Russell et James), suit le parcours d’un groupe de Terre-Neuviens qui doivent composer avec le manque de travail, dans un récit évidemment centré sur la pêche dans un village bordé par la mer, mais aussi sur linévitable exode de ces gens vers les milieux urbains. 

On se perd facilement dans le roman Les chants du large, qui se déroule en deux époques séparées, tout en faisant appel aux mêmes personnages ; lorsque l’on lit trop vite, il est facile de ne plus s’y retrouver. La première moitié débute vers la fin des années 1960, du temps où les poissons affluaient et qu’il n’y avait pas de problème d’emploi, et la deuxième moitié se passe au début des années 1990, au moment où, vous vous en doutez, ces emplois commencent à manquer et les gens fuient vers les grandes villes. Le roman est intéressant à ce niveau : en passant d’une époque à une autre tout au long du livre, cela permet d’assister à un récit très réaliste où l’on peut directement voir les conséquences d’une vie entièrement consacrée à la mer. 

Ludique, mais pas trop 

Autre aspect intéressant du roman : il met en scène des personnages presque aussi importants les uns que les autres, cela nous permet donc de voir l’histoire selon plusieurs points de vue différents. Le personnage de Finnigan Connor, presque tout le temps appelé Finn, un jeune de onze ans qui a déjà le pied marin et beaucoup de responsabilités en lien avec la pêche, même à cet âge relativement précoce, se démarque toutefois. Cela l’attriste de voir la majorité des gens de son village, en quête de travail, s’exiler vers les grands centres. C’est ludique dans le sens où il est naïf de penser que, s’il se remet à pêcher beaucoup de poissons, les gens vont comme par magie revenir à Terre-Neuve et que tout va se régler. Oui, Finn est un jeune personnage, mais on le sent très mature, tranquille et travaillant pour son âge ; il n’hésite pas à se lever très tôt le matin et est le premier à demander à sa mère pour aller pêcher plutôt que l’inverse. 

Un roman aux rythmes multiples 

Le roman est séparé en deux parties. Dans la première, les chapitres sont généralement longs et denses, alors que dans la deuxième partie, les chapitres sont beaucoup plus courts ; une bonne partie du temps, ce sont des chapitres de moins de trois pages, voire même de petits paragraphes. Résultat : on peut lire une dizaine de pages en environ deux minutes. Ça crée un sentiment d’urgence chez le lecteur, qui se sent doublement happé par l’histoire. En d’autres mots, la forme rend service au fond. 

C’est un roman très bien écrit. Ce roman n’est pas agressant pour les yeux ; ça semble être un commentaire intrigant, permettez-moi de vous expliquer : la police d’écriture choisie est très belle, les dialogues ne sont jamais spécifiés par des tirets, mais on les devine aisément, et ça amène quelque chose au roman.

L’auteure Emma Hooper, si l’on se fie à l’accueil offert à ses deux premiers romans d’abord parus en anglais, s’est déjà bâtie une très belle réputation. Son premier roman a su s’attirer quelques reconnaissances et nous ne serions pas surpris que ce deuxième ouvrage en reçoive tout autant.

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