Critique littéraire : Corps conducteurs de Sean Michaels

Un virtuose des mots et des sensations

Corps conducteursCorps conducteurs : unique par son traitement de l’histoire, des mots et des personnages. Sean Michaels redonne vie à , l’inventeur du thérémine : instrument de musique, « libre, sans attaches ».

Le livre est divisé en deux sections : la première permet de bien cerner la vie du scientifique aux multiples idées et la seconde montre le déclin de l’inventeur. Populaire et seul, riche et pauvre, aimé et repoussé, cet homme a tout vécu et a tout été : scientifique, espion, meurtrier et prisonnier.

Léon Thérémine raconte sa vie au « je ». Ce scientifique devient vite célèbre avec le thérémine, ce qui l’amène à voyager pour que le monde découvre ses fabuleuses inventions. Le succès lui sourit longtemps, mais il perd le contrôle de sa vie et de son argent en embarquant dans des opérations d’espionnage et en devenant l’ennemi de la Russie. Il perd tout, même sa liberté.

À travers ses péripéties, il rencontre Clara, son seul amour véritable. Leur relation est vraie, mais compliquée, car de nombreux obstacles empêchent leur amour. Léon ne cesse toutefois pas de penser à elle jusqu’à la fin. Cette femme importe dans la vie du narrateur, car il écrit ce roman pour elle, en lui attribuant le pronom « tu ».

Beaucoup de personnages parsèment les pages de ce roman. Ce nombre spectaculaire crée quelques interrogations chez le lecteur qui doit retourner lire les pages précédentes pour se remémorer l’histoire de tel personnage. Par contre, une bonne partie de ces êtres fictifs sont secondaires. Ils entrent dans la vie de Léon, en ressortent ou reviennent plus loin dans l’histoire : amis, ennemis, officiers, collègues…

Malgré quelques longueurs dans la première partie causée par trop de descriptions, le livre reprend de la vigueur quand l’action prend le pas sur la description. Un nouveau souffle s’installe. Léon utilise une écriture poétique et réaliste. Il forme avec les mots des images choquantes, romantiques, tristes et réalistes.

Loin d’être une histoire linéaire, le narrateur joue avec la chronologie pour dérouter et faire réfléchir le lecteur. Au premier chapitre, Léon est sur un bateau, enfermé dans une cabine. Ce n’est qu’à la fin de la première partie que le lecteur comprend comment le scientifique en est arrivé là. Le narrateur fait ainsi voyager le lecteur par des prolepses et des analepses.

Corps conducteurs, récipiendaire du prix Giller 2014, touche par la vulnérabilité du protagoniste, car, malgré son succès, Léon tombe et perd espoir. C’est aussi un livre dans lequel le narrateur réussit à décrire l’amour et son impuissance face à un sentiment incontrôlable qui peut lui insuffler l’envie de vivre ou de mourir.

Corps conducteurs

Sean Michaels

Éditions Alto

392 pages

En librairie depuis le 12 janvier 2016

4/5

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