Critique littéraire: Les écrivements de Matthieu Simard

Connu pour l’adaptation cinématographique de Ça sent la coupe (2008), Matthieu Simard nous offre cette fois-ci un roman sensible abordant la vieillesse avec une pointe de romantisme et d’aventure. Dans son sixième roman Les écrivements, Jeanne tente éperdument de retrouver son amoureux Suzor qui l’a mystérieusement quitté 40 ans auparavant. En compagnie de la petite Fourmi, l’octagénaire partira en road trip à travers le Québec afin de renouer avec le passé.

En apprenant que la maladie d’Alzheimer avait frappé Suzor, Jeanne plonge dans une profonde rétrospective, lui ravivant toutes les péripéties en sa tendre compagnie, et décide qu’elle doit le revoir avant qu’il ne soit trop tard. Cette fastidieuse quête l’amènera à partager avec sa complice la jeune Fourmi sa vision de l’amour, mais surtout ses «écrivements» bien recueillis dans son carnet brun depuis des années. C’est en lisant peu à peu ses mémoires que Matthieu Simard nous fait languir en nous procurant plus de détails sur le personnage énigmatique de Suzor, victime d’un choc post-traumatique à la suite d’une dangereuse mission en URSS.

Photo: Idra Labrie
Immersif journal intime

Tant dans le format que dans le contenu, le livre amène le lecteur au cœur de la vie de Jeanne tel un réel journal de bord. Le récit est composé de chapitres courts et de phrases concises, alternant entre des bribes du passé et du présent. En plus d’être narré à la première personne, le texte est facile d’approche et le tout rend la lecture d’autant plus fluide. Véritable bijou, le livre ne cesse de nous faire voyager en terres à la fois inconnues et aussi familières. Ainsi, les rêveurs pourront fantasmer sur l’exotisme de l’ex-URSS, alors que les plus douillets se reconnaîtront aisément dans les joies de vivre des quartiers de Montréal. De plus, les deux protagonistes sont attachantes et spontanées, ce qui rappelle la naïveté d’Amélie Poulain. On connaît tous quelqu’un qui se questionne sur l’amour comme Fourmi ou encore, une grande tante qui aime nous raconter ses ébats amoureux d’antan. Bref, cette proximité avec les questionnements existentiels des personnages contribue à l’authenticité du roman.

Une légère infusion

À travers le roman, on se perd parfois dans le nombre de thèmes exploités : immigration, vieillissement, amour, adolescence, famille, maladie et plusieurs autres. Il serait pertinent de se pencher sur la question de l’immigration plus en profondeur. Le traumatisme vécu en Russie par Suzor et l’intégration des nouveaux arrivants m’aurait semblé des orientations plus poignantes. Par ailleurs, l’auteur aurait pu insister sur les réalités des personnes âgées atteintes d’une maladie ou aborder les tabous du vieillissement comme la sexualité. En somme, la nostalgie de Jeanne dans le roman donne un arrière-goût de déjà-vu. En touchant trop peu à plusieurs thèmes, le roman manque de ce petit quelque chose et ne présente pas de saveur particulière. Toutefois, Les écrivements saura charmer les lecteurs en quête de réflexions sur la vie, mais aussi les plus aventureux prêts pour un road trip.

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