Critique littéraire : Françoise en dernier de Daniel Grenier

Suite au succès de son premier roman L’année la plus longue (2015), Daniel Grenier nous plonge dans un tout autre univers avec Françoise en dernier. Vivant dans une banlieue québécoise des plus banales, Françoise, jeune adolescente rebelle, décide de partir seule aux États-Unis à la recherche de son idole. Lors de sa quête, elle découvre l’immensité de l’Amérique, mais surtout prend conscience de sa condition de femme libre.

Menant une vie de platitude, Françoise vole tout ce qu’elle peut, fait des graffitis sur des wagons de train, et va même occuper la maison vide des voisins lorsqu’ils sont partis en vacances. Un beau jour, elle découvre le magazine Life qui présente l’histoire d’Helen Klaben, une Américaine qui a survécu 49 jours dans la forêt au Yukon après l’écrasement de son avion, pendant l’hiver 1963. C’est à partir de ce moment qu’elle découvre ce qu’elle veut faire de sa vie : retrouver Helen à tout prix. Elle part sans laisser d’aurevoirs sur le continent nord-américain.

Une aventure émancipatoire

Dans Françoise en dernier, on réalise que la protagoniste souhaite passionnément retrouver son idole, mais avant tout incarner ce que Helen représente comme modèle de vie. En effet, c’est une histoire de road trip et surtout de féminisme. La question de l’émancipation des femmes reste sous-jacente tout au long de l’intrigue. Populaire dans les années 60, Helen Klaben a réellement existé. Elle a quitté Brooklyn à 21 ans pour l’Alaska et on l’a retrouvé à l’arctique de la mort dans la forêt boréale à -30°C. En suivant son destin, Françoise devient elle aussi une héroïne punk qui part uniquement avec son petit sac à dos. Elle fait sa dure, sans jamais se plaindre de ses douleurs et sans jamais montrer ses peurs en prenant des risques. Helen est donc un modèle pour Françoise qui désire mener une vie indépendante, sans enfants ni mari.

L’adolescence, un passage obligé

La jeune Françoise est plus que libre. Cela lui arrive de disparaître pour un moment et de se glisser à table à l’heure du souper chez ses parents. Sans se justifier, elle débarque à tout moment. Bref, elle fait ce qu’elle veut sans contrainte. Elle est aussi atteinte d’une kleptomanie presque aussi absurde que sa personnalité loufoque. Le lecteur ne peut s’empêcher de la pardonner immédiatement grâce à l’innocence qu’elle dégage. Par sa candeur et sa luminosité, Daniel Grenier a bien rendu ce personnage mystérieux. C’est comme si elle était magique puisqu’elle ne se fait jamais prendre et arrive toujours à trouver un stratagème pour se sortir du pétrin. On envie facilement cette sorte d’éternelle jeunesse incarnée par une adolescente fougueuse.

Clin d’œil aux lectrices

À travers les aventures de Françoise, on se reconnaît énormément en tant que jeune adulte. Par exemple, la personnage principale oubliait souvent ses shorts d’éducation physique ou parle d’une affiche des Débrouillards qu’elle a «barbouillée». Le registre moins formel dans la narration de Daniel Grenier amène le lecteur à s’identifier au personnage si attachant de Françoise. Cette œuvre de la littérature québécoise offre une perspective genrée dans la mesure où les jeunes femmes pourront y voir un reflet d’elles-mêmes. En n’écrivant pas au «je», Daniel Grenier se distancie du personnage féminin, mais s’approprie gracieusement le récit d’une adolescente rebelle. En somme, Françoise en dernier se veut un roman nomade qui se prête à un lectorat qui a soif d’aventures, mais qui est aussi à la recherche de modèles féminins forts.

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