Critique littéraire : Gabriel est perdu de Julien Roy

Gabriel est perdu

Julien Roy

Éditions XYZ

« Aimer, c’est être dans la merde »

Gabriel est perdu, premier roman de Julien Roy, avise le lecteur que les relations amoureuses, invariablement tumultueuses, ne peuvent se terminer que sur des cœurs brisés… À l’instar du livre lui-même, ce constat, pessimiste, rappelle ce qu’on aurait pu lire ou voir ailleurs, des centaines de fois.

Julien Roy, ancien étudiant de l’Université Laval, a fait parler de lui il y a plus d’un an pour avoir réussi, grâce au certain succès de son blog In the 10’s, à sociofinancer la publication d’un roman qu’il n’avait pas encore écrit. L’atteinte de son objectif, grâce à la plateforme La Ruche, lui a permis d’approcher un éditeur sans même l’ébauche d’un manuscrit à lui montrer; Gabriel est perdu est le résultat de ce projet hors-norme.

Déjà dans ses textes sur In the 10’s, le blogueur s’attaquait aux relations entre hommes et femmes, sujet intemporel qui tombait souvent dans le cliché. Son écriture romanesque, abordant les mêmes thématiques, n’aura malheureusement pas été épargnée par ce danger.

Dans Gabriel est perdu, deux récits principaux se superposent pour relater les hauts et les bas d’un amour qu’on sait voué à l’échec après quelques chapitres seulement. Gabriel, « enfant bâtard du vice et de la contemporanéité », rencontre Fannie, jolie rebelle se différenciant des autres filles par sa fougue et sa vision noire du monde. Ensemble, les jeunes nihilistes amoureux tenteront de changer le quotidien d’inconnus, de « bousculer l’ordre établi ».

Leur histoire, assez intéressante à lire, est néanmoins quelque peu gâchée par des scènes banales et clichés ne cadrant pas avec le caractère plus ou moins marginal qu’on a tenté d’insuffler aux personnages. Un moment de jalousie irrationnelle se conclura par exemple sur du mascara coulant jusqu’aux joues et des tas d’assiettes cassées…

Au récit du couple s’alternent les fragments post rupture d’un Gabriel introspectif, marqué par un désenchantement et une violence laissant présager une finale digne d’une tragédie grecque. Déprimantes, redondantes, ces introspections témoignent du truisme par excellence, selon lequel la succession des jours mène inévitablement à la mort : « On meurt à petit feu. On avance vers la mort. » Trop nombreux, ces fragments contrastent avec l’autre fil narratif, beaucoup plus vivant, si bien qu’on ne peut que donner notre préférence à ce dernier.

Le style moderne de Roy, aux phrases courtes, hachées, ponctuées d’expressions anglophones, convient parfaitement à l’histoire d’amour légèrement décalée qu’il raconte. Très imagés, les propos, souvent bien trouvés, présentent en outre un monde qui parlera à la génération Y, non seulement par le sujet universel dont il traite, mais par la manière dont il le fait, parfois crue et brute.

Dommage que les réflexions du narrateur soient quelques fois servies réchauffées ; élagué des lieux communs, on aurait pu pardonner au roman sa fin facile, convenue.

Une lecture qui, sans être novatrice, reste toutefois divertissante.

2,5/5

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