Critique littéraire : Good Boy

Antoine Charbonneau-Demers est un jeune auteur né à Rouyn-Noranda en 1994. À seulement 24 ans, Good Boy est déjà son deuxième roman, alors que sa première offrande, Coco, a remporté le prix Robert-Cliche en 2016. Il a reçu un diplôme en création littéraire et du Conservatoire d’art dramatique de Montréal.  

Good Boy raconte l’histoire d’un jeune homme de 19 ans nouvellement arrivé à Montréal pour y vivre et y débuter des études universitaires en littérature. On le suit dans son quotidien avec ses nouvelles colocataires, Anouck et Rosabel, l’une étudiante en arts visuels et l’autre n’étudiant pas vraiment, puisqu’elle est en questionnement sur son avenir. Les trois veulent « péter le cube » dans leur vie, sortir de leur zone de confort. Cette expression reviendra comme un motto tout au long du roman. 

Méchanceté et vulgarité 

Good Boy pose un jugement sur ce principe : à trop vouloir « péter le cube », est-ce qu’on n’en vient pas à s’aventurer sur des terrains dangereux? Nos trois personnages principaux veulent vivre cet idéal, bien entendu, mais pas à n’importe quel prix. À un certain moment, tôt dans le récit, on apprend que l’un de ses personnages féminins, Anouck, est vierge – un élément qui semble quelque peu superficiel à première vue -, ce à quoi ses colocataires répliquent : « Ben va fourrer Buzz Lightyear! ». Cette riposte est très représentative du langage cru et assez vulgaire que l’on retrouve tout au long du livre. La mention de cet événement est importante, puisque pour ses colocataires, c’est un moyen pour aider Anouck à péter ledit cube. Cependant, au bout du compte, on apprend que ça s’est très mal déroulé, et c’est là un exemple de jugement que le roman pose sur la morale de ses protagonistes; on comprend rapidement qu’elle ne le feelait pas dès le début et qu’elle s’est fait violer.  

À certaines occasions en lisant le roman, il est difficile de s’empêcher d’être en colère contre les personnages principaux, car ils passent une bonne partie de leur temps à s’engueuler pour des pacotilles ou pour des raisons incompréhensibles, et lorsqu’ils sont à blâmer pour des choses affreuses, ils s’excusent, s’apitoient et sont pleins de tendresse les uns envers les autres. Cette histoire illustre une jeunesse en cours d’apprentissage; elle fait de graves erreurs, mais on demeure partagés face à leurs agissements, on veut les croire bien intentionnés, et c’est là que l’auteur entre en ligne de compte: il réussit à ne pas nous faire haïr les personnages, ce qui serait honnêtement très facile. 

Surréel 

Peu de temps après le début du roman, on entre dans le monde de nos trois jeunes « adulescents ». Rosabel est en train d’écouter une série sur Netflix qui démontre que certaines vedettes, dont Rihanna, entre autres, ont vendu leur âme au diable. Cette péripétie semble quelque peu abracadabrante, absurde et anodine, mais elle aura son importance au fur et à mesure que l’histoire se déroulera. Tout au long du récit, le « personnage » de Rihanna va revenir comme un motif dans un film, que notre personnage principal semble voir partout.

Un chat blanc au nom quelque peu étrange de T. Gondii revient aussi assez couramment. Ce chat appartient au couple propriétaire de l’appartement où vit notre personnage principal. Il est intrigant, ce chat, parce que notre good boy n’arrête pas de le voir partout, pas juste autour de son appartement, mais bien partout dans la ville; à un certain moment, le personnage principal semble même croire qu’il est réincarné dans la peau d’un clochard.

Les lecteurs cinéphiles se sentiront à certains moments comme dans un film de David Lynch, soit dans des histoires complètement sans queue ni tête, mais qui au bout du compte ont un sens et une logique; des histoires qui posent beaucoup plus de questions qu’elles ne donnent de réponse. C’est très intéressant pour quiconque a envie de lire un roman prenant la forme d’une « enquête psychologique ». La fin du livre est excellente et très troublante, elle justifie à elle seule sa lecture.

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