Critique littéraire : Je suis là de Christine Eddie

Je suis là

Christine Eddie

Éditions Alto

Éloge du quotidien

« Je suis là », c’est probablement ce qu’Angèle, la protagoniste du dernier roman de Christine Eddie, murmurerait tendrement à ses filles si l’une d’entre elles se réveillait en sursaut après une nuit cauchemardesque. « Je suis là », ce serait possiblement ce qu’Angèle dirait à son mari emmuré dans une infinie mélancolie pour le réconforter. Dans les faits, « je suis là » sont les trois petits mots qu’Angèle voudrait hurler à la terre entière ou du moins, à chacun des habitants de Shédiac si son propre corps n’avait pas fait d’elle sa captive en la rendant victime du syndrome d’enfermement.

En lisant les critiques des œuvres antérieures de Christine Eddie, j’étais prête à faire mon mea-culpa. Je me demandais comment j’avais bien pu passer à côté de son univers. Dès la lecture des premières lignes de Je suis là, je donnais raison à tous les avis favorables. Mais au fil des pages tournées, mon enthousiasme, sans s’estomper totalement, s’est considérablement atténué.

Le récit parfois touchant, parfois drôle, mais toujours empreint d’espoir, réussit à amalgamer plusieurs émotions. Néanmoins, le mélange de tons s’organise moins aisément. L’un des grands tours de force d’Eddie est d’avoir disséminé de véritables petites perles poétiques à travers son œuvre. Toutefois, lorsque celles-ci côtoient certaines expressions maintes fois lues, l’harmonie s’en ressent beaucoup.

Si au fil des pages, on en apprend sur le tir groupé – pour reprendre les mots de l’auteure – qui a atteint Angèle jusqu’à en bouleverser son univers,Christine Eddie amorce toutefois son œuvre en prenant soin de bien illustrer le quotidien de son héroïne. Comme la vie de son personnage, le rythme du récit est lent ou rapide et Angèle nous y livre tantôt ses craintes, tantôt ses pensées. En fait, Je suis là est une ode à la quotidienneté. Les petits et les grands faits de la vie comme le brouhaha du voisinage prennent un très grand espace dans l’histoire. Quoique l’on s’attache aisément à cette ribambelle de charmants personnages, c’est peut-être la manière de nous les raconter et de brosser leur quotidien qui dérange le plus. On se demande parfois s’il s’agit d’un journal intime fictif tellement les anecdotes et le ton employé sont d’une fadeur désarmante.

Paru en août dernier, Je suis là est la quatrième publication de Christine Eddie chez Alto après Les carnets de Douglas (2007), Le cœur de la crevette (2010) et Parapluies (2011). Les carnets de Douglas, son premier roman, fut finaliste du Prix des libraires du Québec en 2008 et gagna le Prix littéraire France-Québec en 2008 de même que le Prix Senghor du premier roman francophone en 2009.

3/5

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