Critique littéraire : La Tempête de Gabriel Anctil

La Tempête

Gabriel Anctil

Éditions XYZ

Une grande maison dans un immense brouillard

7 janvier 1998. Prisonniers de la violente crise du verglas qui s’abat sur le Québec, Jean, son père et sa mère se retrouvent confinés dans une grande maison avec son oncle, sa tante et sa grand-mère. L’atmosphère est tendue et sèche, presque tranchante. Les murs se rapprochent les uns des autres, alors que le plafond descend et que le plancher monte. On étouffe. Si la tempête fait rage à l’extérieur, c’est une tourmente plus grande et plus brutale qui se prépare au sein de cette famille incongrue.

Gabriel Anctil propose, avec son deuxième roman, un huis clos québécois où les mœurs des uns se heurtent à celles des autres. L’histoire est très bien ancrée dans les circonstances historiques, artistiques et sociales de l’époque. La profondeur de la recherche effectuée est perceptible entre les lignes de l’auteur, mais elle s’efface plutôt agilement d’un chapitre à l’autre. Les lecteurs ayant vécu eux-mêmes la crise du verglas y retrouveront une once de nostalgie, deux tasses de plaisir et un litre de souvenirs.

Mais ce ne sera pas sans gêne, puisque les personnages du roman sont d’un caricatural assez agaçant. Bien que l’on puisse s’y identifier un peu, il subsiste une certaine réticence quant au laisser-aller qu’un roman se doit de véhiculer. Par conséquent, La Tempête reste en surface et ne peut pratiquement pas s’étendre sur l’émotion, les sentiments du lecteur.

Si le choix du huis clos est intéressant d’un point de vue formel, il est toutefois complexe de le rendre séduisant sur le plan du contenu. Les dialogues qui dominent presque la narration du roman et la prose de l’auteur sont plus ou moins crédibles parce qu’ils sont souvent situés entre deux niveaux de langue. Le dialogue est un art en soi, difficile à maîtriser et à coucher sur le papier.

La deuxième œuvre de Gabriel Anctil se termine comme un baume parfumé sur une plaie qui brûle. L’image de la fin rappelle toutes celles savamment suggérées et trop vites noyées par des prises de paroles plus ou moins utiles à l’avancement du récit.

L’unique, mais gros défaut de La Tempête, c’est le trop peu de place que les personnages et les dialogues laissent à l’auteur, à sa prose, à son cœur. Ce roman a quelque chose à dire, de beau et de vrai, mais il le crie trop fort ou le murmure trop bas. C’est tout de même une œuvre divertissante, dans ses rebondissements, son histoire et son contexte.

2,5/5

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