Critique littéraire : L’angoisse du poisson rouge

L’angoisse du poisson rouge

Mélissa Verreault

Éditions La Peuplade

Faire confiance aux pigeons

À une intersection, un garçon et une fille attendent pour traverser. Entre eux deux, des voitures passent et frôlent les plumes d’un pigeon qui se dandine sur la ligne jaune. C’est qu’il n’a pas eu le temps de se rendre jusqu’à l’autre trottoir. Il est coincé. Le pigeon attend, espère, mais au dernier moment, une minivan qui a accéléré sur un feu jaune l’écrase et éparpille ses tripes sur l’asphalte.

C’est là-dessus que s’ouvre L’angoisse du poisson rouge. Le roman de Mélissa Verreault réunit en ses 440 pages les histoires parfois légères, mais souvent pesantes de trois personnages excentriques. Manue, Sergio et Fabio sont lancés dans la vie avec 4 ou 5 kilomètres de retard. Cependant, leur union carrément tangible les fera prendre de l’avance.

Au gré de l’écriture juste assez burlesque de l’auteure, les personnages se magnifient, les histoires deviennent formidables et le récit se termine comme un être vivant meurt. Effectivement, notre attachement envers Manue, Sergio et Fabio devient véritable étant donné la profondeur du processus d’identification avec chacun d’eux. C’est alors qu’au fil des péripéties et des pigeons, le roman de Mélissa Verreault transforme le lecteur et les trois personnages en un quatuor imperturbable. Allant de rires en abattements, le lecteur devient, sans même qu’il le sache, participant actif de L’angoisse du poisson rouge.

Toutefois, cela n’emmène pas que de bonnes choses. Il arrive que l’on devine sans trop de mal la suite des événements et la forme que prendra le récit. Le suspense de l’intrigue principale se voit même démentie dès les cinquante premières pages. Sauf que, comme lors de l’écoute d’un film hollywoodien trop conformiste, il n’est pas question de s’arrêter pour ça. Parce que même si on devine un peu le cours du roman de Verreault, tout ce qui le porte et ce qui l’habille a le mérite d’être lu avec attention. D’autant plus que l’histoire se tient beaucoup plus par les beautés de famille et la magie des pigeons voyageurs.

Si notre lecture débute sur une plage bleue et se termine sur une page bleue, il en est tout autre pour l’esprit. La grandeur de L’angoisse du poisson rouge et ses petites choses hanteront n’importe quel lecteur un tant soit peu présent.

Parce qu’au fond, le roman de Mélissa Verreault, c’est aussi un verre sur une terrasse italienne, une sortie à l’Aquarium de Québec et des journées entières passées entre hommes dans le columbarium.

3,5/5

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