Critique littéraire : Les Blondes d’Emily Schultz

Imaginez la rencontre improbable entre un film de série B vaguement zombiesque et un film de filles tout ce qu’il y a de plus classique. C’est un peu ce que nous offre Emily Schultz avec son troisième roman, Les Blondes.

Laurence Charlotte Vinet

Elle nous propose ici une histoire assez chargée, où des thèmes comme la maternité et l’estime de soi (surtout féminine), côtoient l’horreur et la pandémie. C’est qu’au moment où Hazel Hayes tente tant bien que mal de travailler sur sa thèse à New York, deux choses viennent bouleverser sa vie. Il y a d’abord l’arrivée de « cet étrange autre de trois kilos », l’enfant qui vient se loger dans son ventre après sa liaison avec son professeur de thèse. Marié, bien sûr. Mais, il y a aussi cette pandémie, un virus qui ne toucherait que les blondes, qu’elles soient peroxydées ou naturelles. La paranoïa s’installe. Alors que les cas d’infection (aux causes délicieusement impossibles) se multiplient, on se bouscule dans les pharmacies et dans les salons de coiffure pour faire disparaître le blond au profit de toutes les teintes du brun foncé, du noir si on a de la chance, du rouge cerise faute de mieux, si on ne se rase pas carrément la tête. C’est la panique : les blondes atteintes attaquent sans prévenir, provoquant la mort ou pire, l’infection.

Le parallèle est intéressant. Dans notre société, il y a ce culte de la blonde, qui vient avec le cliché. Naturelles ou pas, on leur attribue des qualités et des défauts communs, on en fait une catégorie, comme le feront, de manière amplifiée, les personnages du roman de Schultz. En nous plongeant dans cette situation totalement absurde, qui inverse les standards, on pose les bases d’une réflexion quant à la position de la femme dans la société. L’auteure commence d’ailleurs son roman avec quelques affirmations-chocs : « Nous [les femmes] ne nous faisons des compliments que pour nous détruire », ou alors « les femmes sont des animaux civilisés » (p.11). On déplore toutefois que l’analyse ne dépasse jamais le cliché. On nous raconte une suite de faits assez convenus sur les femmes et les hommes, leurs rapports souvent faux, la compétition malsaine qui règne entre eux.

C’est d’ailleurs ce que l’on peut reprocher au roman, qui s’enchaîne comme une suite d’aventures invraisemblables, sans réelle profondeur. Les thèmes de la féminité et de la maternité sont écartés, au profit de l’histoire souvent rocambolesque. Ce que Hazel Hayes nous raconte, c’est non seulement la pandémie, mais c’est son histoire d’amour avec son professeur de thèse, son enfance avec une mère coiffeuse, son adolescence avec son amie Larissa… Les fils narratifs se croisent et s’entrecroisent et la surenchère se fait lourde. Des descriptions superflues prennent parfois le dessus sur l’histoire, nous laissant sur notre faim quant à la possible critique sociale.

On lira tout de même Les Blondes parce que l’histoire fait sourire, et nous fait prendre conscience de nos travers.

 

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