Critique littéraire : Les Sanguines, d’Elsa Pépin

Chercher des traces de lumières

Les Sanguines - Elsa PépinDeux sœurs que tout éloigne. Un cancer. Des choix à faire. Et, surtout, une grande poésie. Des mots doux, imagés, qui transportent sans peine le lecteur dans un univers sombre, mais plein d’espoir. C’est ce que propose Les Sanguines, premier roman d’Elsa Pépin, après son recueil de nouvelles Quand j’étais l’Amérique.

Avril, « l’étoile dansante du printemps » de la famille est « attaquée par une tempête d’hiver » : la leucémie. Sa sœur, Sarah, peintre copiste, ne sait comment réagir. La maladie d’Avril bouleverse son univers, l’amenant à faire de nombreux choix décisifs pour son avenir.

Pendant ce temps, Victor, un « malade certain de mourir seul », rédige les chapitres d’une Histoire de sang qui entrelaceront le récit des deux sœurs dans le roman. Si au départ, on ne voit pas nécessairement le but de ces passages, bien vite, ils s’avèrent évidents et d’un intérêt grandissant.

Les passages traitant plus spécifiquement de la maladie et les scènes se déroulant à l’hôpital sont particulièrement beaux et forts. Ce sont ces moments du récit qui touchent le plus. Le lecteur s’identifie alors à Sarah, se met à sa place. On sent alors toute sa douleur, son malaise, ses doutes. On a peur, on a mal pour elle. Pendant un instant, on veut fermer le livre et ne plus le rouvrir, pour ne plus sentir cette détresse puis, on continue, comme dans la vie. On espère que tout ira pour le mieux. On cherche des traces de lumière. On en trouve.

C’est avec une boule dans l’estomac qu’on se laisse happer par ce récit où tous les contraires s’attirent et se repoussent. D’abord, Sarah et Avril qui représentent l’antithèse parfaite. Dans leur monde se côtoient aussi l’espoir et la détresse, la vie et la mort, le présent et le passé. C’est l’ensemble de ces oppositions qui fait la force du roman. Alors qu’on aurait pu se lancer dans un texte marqué par la tristesse, on se retrouve plongé dans une œuvre lumineuse, douce et pleine d’espoir.

Seul véritable point négatif, l’insistance de l’auteure, parfois à outrance, sur la différence entre les deux sœurs. À chacune de leur rencontre, tout ce qui les éloigne est à nouveau énuméré, ce qui peut devenir agaçant. Nul besoin de répéter alors que tout semble clair dès la première mention.

Au final, la chroniqueuse et journaliste culturelle Elsa Pépin livre ici bien plus qu’un simple roman sur le cancer. C’est l’histoire d’une femme perdue qui cherche à se retrouver. L’histoire d’un homme qui veut laisser une trace de son passage. L’histoire, enfin, d’une relation qui va bien au-delà de la vie.

À lire pour la beauté des images, le rythme et la poésie des mots.

3,5 /5

Les Sanguines

Elsa Pépin

Alto

En librairie depuis le 22 février

Extrait

Le regard d’Avril se tend vers sa sœur comme vers un miroir, à la recherche d’un peu d’elle-même chez celle avec qui elle est liée à la vie par la plus secrète des connivences. Les sœurs n’ont jamais affiché que des dissemblances, mais au moment d’entrer dans cette chambre d’où elle pourrait ne pas ressortir vivante, Avril a besoin de Sarah.

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