Critique littéraire : À l’état sauvage

À L’état sauvage

Robert Lalonde

Boréal

La mélancolie de l’indomptable

Il est écrivain, errant et erreur. Entre sa trop grande maison et son trop petit manteau de cuir, il va. Ici et là, suivant l’appel de son métier, passant par les conférences, les salons du livre, la campagne et ses villages. Il rencontre, écoute et aime d’amour ceux qui croisent son chemin. Julot, Hervé, Étienne, Bérubé, Gilles, Mathias et Jim, tour à tour enfant, père, ami d’enfance, oncle, amant, adolescent et bienfaiteur, construisent le roman à eux seuls. Ils sont, ensemble, le reflet intact du quotidien, dans son chaos et sa splendeur.

À l’état sauvage est un roman-mosaïque qui va partout pour revenir nul part. Les récits bien alignés, l’idée bien structurée et le propos bien ficelé le rendent toutefois très agréable à lire. Forte en images et en profondeur, la prose et la narration de l’auteur sont le principal fil conducteur. On sent la présence de Robert Lalonde à chacune des pages, si bien qu’à un certain point, on se demande si À l’état sauvage est un roman biographique ou auto-fictif. C’est que le cœur y est. Dans les moments de tristesse comme dans les moments de plénitude, l’émotion entre par les yeux du lecteur et ne ressort qu’une fois le livre terminé.

Les moments de description et de narration introspective du roman sont parfois un peu trop lourds en images et en métaphores. Mais si l’on se perd dans le roman de Robert Lalonde, ce n’est que pour mieux s’y retrouver. On attend avec impatience l’apparition du prochain personnage et on sait que d’une manière ou d’une autre, l’essentiel de l’histoire saura se frayer un chemin vers le cœur.

Autrement, l’improbabilité de l’enchaînement des événements de certaines histoires peut faire décrocher celui qui était absorbé. Le concentré de surprenant exposé dans le quotidien des personnages fait parfois surprise à celui qui s’attend à du véritable et du concret. Le lecteur peut toutefois s’y habituer rapidement et rester en chœur avec la continuité du récit.

Avec À l’état sauvage, il n’est pas rare de se remettre en question. Page à page, la vie du narrateur devient la nôtre et nos relations, les siennes. Si l’on ne sait pas où on est, à quelle époque et pourquoi, on sait toujours avec qui on est, intimement. Robert Lalonde signe ici une œuvre qu’on peut qualifier de touchante et de fortement psychologique. Avec son dix-septième roman, on voyage d’un état d’esprit à l’autre, nous revisitant nous-même, parce que la vie et son quotidien, c’est l’histoire de tous.

 

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