Critique littéraire: Un lien familial

Après le recueil de nouvelles Les Gens fidèles ne font pas les nouvelles (1999) et le roman Scrapbook (2004), Nadine Bismuth est de retour aujourd’hui avec un troisième ouvrage, Un lien familialGrâce à une riche narration à plusieurs voix,le livre navigue sur les aléas de la vie en famille au quotidien pour y montrer, plus précisément, l’éclatement de l’institution de la famille au 21e siècle. Cette fois-ci, l’auteure traitera de l’adultère en y mêlant le thème de maternité.

Magalie, jeune designer de cuisine dans la quarantaine, vit avec Mathieu qui est avocat et, par-dessus tout, le père de sa fille. Après avoir découvert une boîte de condoms dans les affaires de ce dernier, Magalie s’autorise en retour à le tromper avec Guillaume, policier et père nouvellement célibataire. Il s’avère que le bel officier est également le fils du nouveau chum de sa mère. Avec une intrigue policière en toile de fond, le destin de ces multiples individus liés par l’amour et la haine nous amène au cœur des relations de couple du 21e siècle.

Une plume épurée 

En alternant de narrateur et en présentant des extraits de correspondances, l’auteure offre une riche trame narrative calquée sur le réel. D’un point de vue technique, le livre est un véritable laboratoire social qui se veut accessible à tout lecteur intéressé à comprendre le comportement humain. Les dialogues épurés sont dignes de ceux de vrais interlocuteurs dans la vie quotidienne et amènent le lecteur à se reconnaître auprès des personnages. Par exemple, tout le monde peut comprendre un simple courriel ou un court texto laissé par son amoureux. Le changement de narrateur donne une perspective genrée au roman puisqu’il permet de saisir le point de vue féminin et masculin sur un même événement donné. C’est le cas notamment quand Magalie légitime les aventures de Mathieu en les associant à l’instinct de survie des hommes alors que Mathieu cherche simplement à s’évader de sa routine.

Famille au temps moderne 

Pour l’auteure, le couple amoureux a toujours été un thème central. Dans Un lien familial, Nadine Bismuth montre l’effritement du modèle normatif de la famille en présentant différentes formes de couples. Des familles recomposées aux personnes âgées en relation amoureuse, le couple en 2018 au Québec ne cesse de se reformater et d’offrir des alternatives. Un exemple poignant de ce traitement se trouve dans son approche de la maternité et du deuil. Le thème du vieillissement est au cœur du récit lorsque Magalie veille sur sa mère qui est toujours active sexuellement, à son plus grand étonnement. En même temps, la relation mère-fille qu’elle entretient n’est pas exemplaire puisqu’elle reproche à sa mère d’être trop vite en affaires, alors qu’elle trompe son mari et ne donne pas à sa propre fille un modèle de couple réussi.

Corruption à l’innocence 

À travers les œuvres de Nadine Bismuth, le thème de l’interdit se révèle une source d’inspiration récurrente. Il est possible de comprendre que peu importe l’âge, le lieu et l’époque dans lesquels les personnages évoluent, l’infidélité demeure une transgression. Oscillant entre passion et sécurité, plaisir et devoir, le personnage de Magalie décrit parfaitement la femme moderne déchirée par l’individualisme et le collectivisme. Épris de dilemmes similaires, Mathieu est un père célibataire qui essaie de recommencer avec une autre femme en menant son train-train de banlieusard. À travers la monotonie de sa routine, on se rend compte au fil de l’histoire que son divorce et son désir de se refonder une famille sont plus significatifs qu’on le croyait. En effet, c’est le parcours de vie de monsieur Tout-le-monde québécois et cela donne du sens aux statistiques. Le roman illustre la vie de «vrais» couples qui se séparent au Québec et traite en premier lieu de relations humaines.

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