Critique littéraire : Marée montante de Charles Quimper

Carnet de bord d’un naufrage

C’est sur le bord d’une rivière que Béatrice a poussé son dernier souffle avant de disparaître à jamais. Ou était-ce sur le bord d’un lac? Ou de la mer? Un détail qui importe peu, puisque Marée montante n’est pas le récit de son naufrage à elle, mais bien celui de son père. Lui qui sera incapable d’empêcher le destin tragique de sa fille se laissera avaler par une des marées les plus tristes.

Maree montanteD’une poésie aussi pleine de douceur que de douleur, Charles Quimper matérialise ce même rivage où les vies de Béatrice et de son père se sont arrêtées. Cette tragédie aurait-elle pu être évitée? Était-ce ce clignement d’œil trop long qui fut la raison de cette mort tragique? Était-ce, comme le disaient les journaux, un cas de négligence? Le temps de 70 pages, cette réalité devient celle du lecteur; le temps de 70 pages cette culpabilité insurmontable devient celle de tous.

Croyant apercevoir sa fille dans le verre d’eau qu’il s’apprête à boire ou encore dans le bain qu’il a fait couler, le père décide de s’engager dans un voyage pour la retrouver. Incapable de laisser aller sa fille et persuadé que c’est là qu’il la trouvera, il se lance dans un périple qu’il croit aussi être sa rédemption. Il aura pour destination la même que toutes les gouttes d’eau du monde : l’océan. Sur la Méditerranée ou sur les eaux du Nil, il s’improvisera capitaine de bateau afin de sauver sa fille d’une noyade qui est déjà chose du passé.

L’eau et la mer sont présentes dans l’histoire comme dans les mots : le texte à saveur maritime donne au roman un sentiment de douce mélancolie que seule la mer peut procurer. Le récit aspire le lecteur au même titre que la marée peut attirer toute chose vers le large. Sans jamais devenir sombre, Charles Quimper décrit habilement ce chagrin sourd qui accompagne toujours la perte de quelqu’un qui ne devait partir si tôt. Il décrit une lente noyade aussi métaphorique que réelle avec une sensibilité et un réalisme à en faire frissonner le plus insensible.

Ce roman est à la fois un livre de souvenirs et un journal de bord, à la fois le rêve et la réalité. C’est à la fois le passé d’une parfaite beauté et un présent impossible à affronter. Un premier roman pour cet auteur de Québec qui, bien que bref, touche et émeut sans prévenir.

Un ouvrage qui fait en souhaiter d’autres et la découverte d’un nouvel auteur qui promet. Sa carrière de pêcheur de homard ayant été arrêtée par le mal de mer, il est à espérer que Charles Quimper ne sera pas atteint du syndrome de la page blanche.

4,5/5
Marée montante
Charles Quimper
Alto
En librairies depuis le 31 janvier

 

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