Critique littéraire : Métastases de David Bélanger

Métastases
David Bélanger
L’instant même

Lent dépistage

Éva Burns, jeune femme aux mœurs douteuses, se fait poignarder à mort dans son appartement. Ironie du sort, le meurtrier fait flamber la scène du crime et le cadavre de la séduisante Burns finit brûlé. Même si le lecteur a le privilège d’assister au meurtre, encore faut-il trouver le fautif. L’enquête est confiée aux enquêteurs Norman Petitroux, policier d’expérience au penchant bien assumé pour le scotch, et Guy Descars, jeune loup fraîchement célibataire au passé douloureux. Le « grand mentor » et « l’idiot sentimental », comme les qualifie l’auteur, s’enlisent rapidement dans cette histoire de meurtre. Entre le crime et le dénouement, un mystérieux cancer du cerveau prolifère et les métastases brouillent les pistes jusqu’à ce que l’apothéose explosive survienne.

Dans Métastases, David Bélanger conjugue maladie et roman policier, une formule qu’il dit être inspirée « de la peur qu’il y ait toujours quelque chose en train de germer en nous » et de l’« omniprésence du cancer dans le discours médiatique ». Attrapé au vol lors du lancement de son premier roman, le nouvel écrivain nous confie que l’idée du roman lui est venue avec l’écriture du premier chapitre, celui du crime. C’est lui qui « a annoncé tout le reste, comme une contrainte, comme une métastase qui a proliféré jusqu’à la fin ».

Ce premier opus n’est pas une histoire de résolution, mais celle d’un échec. Contrairement aux classiques du genre – dont l’auteur reprend les clichés avec aplomb –, le roman évolue autour de la confusion et de l’absurde que crée le cancer en plaçant en son cœur autre chose que la découverte de l’assassin. « Oui, il y a un coupable au final, mais c’est tellement sans importance », car « l’idée de l’échec est plus importante encore », nous révèle le jeune auteur.

Paradoxalement, ce qui fait la force de Métastases fait aussi sa faiblesse. La plume vivante et généreuse de David Bélanger remplit les pages de remarques percutantes, quasiment poétiques. La description des lieux et des personnages est d’une richesse et d’une originalité étonnantes, tout comme les réflexions dont le narrateur parsème l’enquête. L’écrivain peut assurément se flatter de pouvoir jouer avec les mots avec une si grande agilité. Néanmoins, la lourdeur de son style fait ombrage au récit. La plupart du temps, on s’attarde davantage aux tournures de phrases qu’à l’intrigue. On comprend l’intention de l’auteur de faire planer la confusion sur l’enquête – cancer du cerveau oblige –, mais la complexité de son écriture gangrène notre attention. On finira bien par découvrir « le caillot dans tout ce boudin qui aura obligé le cœur [d’Éva] à suspendre son activité continue », mais avant, les métastases du roman auront raison de notre attention qui, comme les personnages, meurt à petit feu au fil de la lecture.

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