Critique littéraire : Requiem pour un couple épuisant de Jean-François Chassay

Requiem pour un couple épuisant

Jean-François Chassay

Leméac

Baptême pour un requiem distrayant

« Rien de lui ne subsistait. Pourtant, malgré tout, il parvenait encore à se sentir parfaitement ridicule. » Voilà comment s’offre au lecteur la dernière phrase de la dernière page de la dernière nouvelle du recueil Requiem pour un couple épuisant. Curieusement, on ne pourrait mieux résumer l’œuvre de Jean-François Chassay. Du mouvement de nos doigts sur les 164 pages aux mots qui défilent rapidement avec violence et de gauche à droite sous nos yeux, le recueil n’est rien d’autre qu’un condensé lyrique et épique d’histoires qui goûtent la couleur noire, le sarcasme et les pulsions humaines.

Requiem pour un couple épuisant est d’ailleurs un titre qui donne l’heure juste, et ce, au millième de seconde près, sur l’univers qui fait suite à la page couverture toute blanche et immaculée. Tout est tramé dans une conscience abrupte de la mort, du désarroi et de la fatalité de l’être. Chaque mot, quoique toujours teinté d’une forte dose d’ironie, n’approche jamais les couleurs pastels et reste dans les tons de gris, de brun, de bleu marin parfois, de noir souvent.

C’est surtout la prose de Jean-François Chassay qui fait un tout de ces sombres éparpillements. On ne peut que souligner l’originalité de sa plume, plus particulièrement dans l’improbabilité des mots et l’omniprésence du rythme. Il réussit à faire de la lecture moins un divertissement individuel qu’une soirée d’été ni belle, ni fraîche où l’on se raconte en criant presque des histoires plus ou moins drôles. Un peu comme si on ne lisait pas Jean-François Chassay, mais qu’on l’écoutait. Avec un verre dans le nez.

Le recueil entretient, en ce sens, une proximité presqu’intime avec l’immédiat. On vit l’histoire sur la cadence à laquelle elle est racontée. Requiem pour un couple épuisant mise ainsi sur le présent, l’actuel. Il ne se retient pas toutefois pour évoquer certains chef-d’œuvres intemporels tels que L’Hiver de force de Réjean Ducharme et Maria Chapdelaine de Louis Hémon. Il s’autorise aussi quelques envols surnaturels, fantastiques ou exagérés pour le plus grand plaisir du lecteur.

En ce qui a trait au plaisir, justement, ce serait un comble de ne pas dire que les nouvelles du recueil présentent souvent, pratiquement tout le temps, une chute raisonnable, quoi qu’improbable et fascinante dans son élaboration incertaine. C’est entre autres ce qui garde le lecteur à vif dans ces épopées.

Jean-François Chassay livre avec Requiem pour un couple épuisant un arrière-gout de noir qui tire sur le rose pâle où la tragédie humaine, aussi horrible qu’amusante, n’a qu’à se montrer telle quelle pour autant de réflexions que de divertissements.

4/5

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