Critique littéraire : Variations endogènes de Karoline Georges

Variations endogènes
Karoline Georges
Alto

Un séduisant musée des horreurs

Dans Variations endogènes, le plus récent livre de Karoline Georges, le lecteur est dupé : la victime prend sa revanche sur son tortionnaire, le fou et le psychiatre se confondent, les vivants tiennent la main de la mort et le trépas est plus vif que le dernier souffle de vie. Dans ses quatorze nouvelles, Georges présente d’étranges personnages au comportement insolite. Le lecteur devient spectateur de viols, de suicides, de meurtres, d’actes masochistes, il assiste à toutes les actions qui représentent ce qu’il y a de plus laid chez l’humain. Ce cabinet des perversités comme l’appelle Georges se trouve pourtant à être des plus captivant et par sa violence, rappelle l’Insecte de Claire Castillon. Véritable bestiaire mettant en scène des répugnances dans des fables qui nous ouvrent les portes sur l’animalité de l’homme.

Puisque ce laboratoire de l’étrange nous dévoile des âmes imparfaites, on voit aussi poindre dans l’écrit de Georges quelques petites imperfections. Notons l’emploi d’images maintes et maintes fois lues, « usées à la corde » justement. Bien que la lecture soit prenante, il faut dire que les sempiternelles « chutes » cassent le rythme puisqu’à la lecture du début de la dernière page de chaque nouvelle, on s’attend à trouver une fin qui bouleverse ce qu’on croyait déjà établi. Si les chutes surprennent dans les premiers tableaux, elles y pavent malheureusement tout le reste de l’œuvre ce qui, au final, ne surprend plus personne.

Bien que les rimes en « é » du premier paragraphe de l’œuvre donnent une poésie un peu trop primaire (certains diront qu’il s’agit d’un clin d’œil au personnage de l’enfant), on retrouve toutefois de la poésie dans les variations de Georges, de petites perles, presque des mantras comme « l’absolu consiste à jouir de soi » tirés de L’autoportrait, et des dialogues poignants notamment dans la nouvelle Le retour où à la manière d’une tragédie, une fille confronte sa mère. L’écriture devient forte et maîtrisée lorsque l’écrivaine tombe dans la démesure des sentiments. La rage est belle, la vulnérabilité, admirable, et si la folie est crue; elle n’en est que plus grandiose. Dans Variations endogènes, la lubricité côtoie facilement l’abandon, la résilience, l’amertume et la vengeance. Même si les sentiments y sont poussés à l’extrême, ils font tout de même écho à ceux du lecteur.

Lauréate en 2012 du Prix à la création artistique du Conseil des arts et des lettres du Québec en Montérégie, Karoline Georges signe ici sa sixième œuvre littéraire. Variations endogènes est la seconde œuvre de l’auteure interdisciplinaire à paraître chez la maison d’édition Alto. Sous béton publié aussi chez Alto a été finaliste du prix des libraires du Québec en 2012.

 

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