Critique musique : Sur la terre de Pierre Flynn

Voilà près de quinze ans qu’on l’attendait, cette nouvelle offrande du ténébreux Pierre Flynn. Depuis le grandiose Mirador en 2001, l’ancienne figure de proue d’Octobre n’avait dévoilé aucun matériel original. Le voici enfin de retour avec Sur la terre, un album sombre et mélancolique, au parfum apocalyptique et à la grâce immense.

Depuis quelques semaines déjà, Le dernier homme, sublime cri déchirant une terre désertée, tournait sur les radios de la province, laissant espérer le meilleur. Tout y était : l’inquiétude sourde, la solitude béante, la double angoisse du vide et du trop-plein et la poésie brute. Même la voix sombre et profonde y est, enrobée par des arrangements sobres mais puissants, parfaitement calibrés, qui laissent la belle part aux guitares et aux claviers.

Avec ce quatrième album solo original, Pierre Flynn ne se réinvente guère. Il n’en a, du reste, nul besoin, tant sa personnalité musicale, unique dans le paysage québécois, est achevée et assumée. L’auteur-compositeur-interprète creuse patiemment son sillon, explorant les thèmes qui lui sont chers depuis Octobre. Cette fois, il insiste peut-être un peu plus sur la fuite du temps, avec urgence dans la tourmentée L’accompli et l’inaccompli, souvenir d’un voyage au Maroc, ou avec douceur dans la touchante et lumineuse Tout blanc, tout bleu.

La musique de Flynn est toujours aussi belle, en parfaite harmonie avec les textes : l’artiste n’a rien perdu de son sens aigu de la mélodie, ni de son admirable capacité à construire des atmosphères à la fois subtiles et évocatrices. À la réalisation et aux arrangements, Philippe Brault et Éric Goulet, assistés de Louis-Jean Cormier, livrent, fidèles à leur habitude, un travail impeccable. L’œuvre des vieux complices (Mario Légaré à la basse, Marc-André Larocque à la batterie et Cormier lui-même aux guitares) est habilement mariée à l’apport élégant et sensible des cuivres et d’un quatuor à cordes, qui donne une certaine profondeur lyrique à l’ensemble.

Certes, la superbe voix de Flynn n’est pas toujours utilisée à son maximum : quelques textes davantage murmurés font en effet regretter les magnifiques envolées de l’album live Vol solo. Ce n’est pourtant là qu’un bien petit bémol. De l’amoureuse Étoile, étoile à la nostalgique Duparquet, en passant par l’incroyable et poétique hymne Capitaine, ô CapitaineSur la terre est touché par la grâce d’un artiste trop rare.

4/5

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