Courtoisie, Tom Medwell

Entre deux chaises, sans les chaises

Courtoisie, Tom Medwell

La Mère politique est L’Amère Politique du chorégraphe Hofesh Shechter.

Louis-Augustin Roy

Étrange sentiment qui se forme à la vue (et à l’écoute) de la dernière oeuvre d’Hofesh Shechter, Political Mother. Certaines symboliques poli­tiques sont primaires dans le rapport de domination, d’aliénation, jusqu’à flirter avec l’imbécillité politique : le rockstar/dictateur chaplinien qui chante en faux arabe dé­range singulièrement, alors qu’on sait que le chorégraphe israélien milite pour la paix, comme en atteste la chanson de clôture de Joni Mitchell Both Sides Now. En même temps, l’intéressante culture d’ambigüité de Political Mother se retrouve entre autres dans ce choix de finale, musique sur rideaux fermés, qui crée un contrepoint avec l’intro­duction, mort rituelle japo­naise par seppuku puis métal industriel emplissant la scène noire pendant une bonne minute. La plus haute note ayant été poussée au début, cela ne pouvait que finir dans la douceur.

La danse cultive elle aussi, encore plus finement, l’ambigüité. Le geste-motif des mains qui implorent la pitié, fouillent le ciel d’un pain qu’on voudrait bien leur tendre, applaudissent les musiciens ou honorent leur dictateur. Le créateur joue avec les éclairages pour donner à quelques passages gestuels une autre perspec­tive. Par exemple, ce couple d’amis en habit couleur terre dans un éclairage ocre qui s’amuse malgré l’oppression et qui revient avec les mêmes mouvements sur une scène noire, vide, témoigne d’une persistance et d’une néces­sité qui n’ont rien à voir avec la situation, même si cela fait émerger la possibilité de la rencontre initiale. L’amitié et la camaraderie entre les paumés politiques tiennent une place importante alors que les parvenus de l’huma­nité (nous) s’aperçoivent à peine qu’ils dansent à côté d’un être humain dans leur relation bilatérale avec la musique, comme, pour faire image, un autobus insonorisé rempli de paires d’écouteurs.

Le danger est de laisser la mise en scène devenir plus forte que le mouvement de la danse, de créer un «théâtre» para-gestuel écrasant de si­gnification et d’importance. De fait, la précision de l’en­semble, des costumes, de la musique et des éclairages laisse une impression d’art cinématographique plus que d’art vivant.

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