Golden Joe : la puanteur de l’argent

L’argent n’a pas d’odeur, mais la condition humaine si. Elle empeste et intoxique les puissants. La pièce Golden Joe d’Éric-Emmanuel Schmitt, mise en scène par Léonie Grenon des Treize, illustre toute la complexité du rapport à l’argent.

La pièce, présentée du 1er au 5 octobre dernier, s’articule autour d’un puissant spéculateur, le pragmatique et insensible Golden Joe, dont la vie est bouleversée après une apparition virtuelle de son défunt père. Cet incident le pousse peu à peu à remettre en question son rapport à l’argent et sa vision du monde. De plus en plus sensible à la puanteur de la condition humaine, faite de misère et de peur, Golden Joe prend conscience d’une humanité tangible, grouillante, nécessiteuse. Sa nouvelle hérésie de la « religion de l’argent » le poussera à affronter, seul, l’aveuglement des grands à la misère des petits.

À l’ère des téléphones intelligents, de la haute définition et du tout-Apple, la quête incessante de pouvoir et l’égocentrisme numérique se conjuguent à merveille dans cette pièce. La richesse des costumes et accessoires, à la croisée d’un XIXe siècle embourgeoisé et de la haute couture, plaît aux yeux.

Un autre bon coup de la metteure en scène faisant d’ordinaire dans le spectacle jeunesse : l’utilisation de médias sociaux par les acteurs. Lorsqu’ils ne sont pas sur scène, il s’amusent avec le hashtag et prennent des selfies, prouvant à quel point avoir son petit monde à soi coupe du grand monde et de sa noirceur. Ici, on ne réinvente pas le genre poussé par des Alexandre Fecteau (dans le No Show et La Date, notamment) et autres iShow, mais la chose est efficacement menée dans le cas de Golden Joe.

On est convaincu par la rafraîchissante, écervelée, mais néanmoins attachante Cecily de Laura Maltais-Provençal, l’oncle bienveillant et hypocrite de Simon Trudeau et la quasi-robotique Rosen de Julie-Anne Tremblay – qu’on voit trop peu. Toutefois, le personnage principal, interprété par Étienne Larochelle, manque de force. On ne nous présente pas un homme de décision solide et agressif, mais un homme vil qui n’a pas la poigne qu’on pourrait attendre d’un financier. On ne croit aussi qu’à moitié aux segments musicaux qui servent peu le propos et nous font perdre des bouts cruciaux de l’intrigue.

Au final, la première pièce automnale des Treize nous pousse à la réflexion et nous fait douter de cette culture du je-me-moi qui est la nôtre.

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