Tout inclus : Quand le documentaire foule les planches

Tout inclus – Chapitres I à IV, pièce écrite par François Grisé et mise en scène par Alexandre Fecteau, pose une question fondamentale : cette question, redoutée par certain.es, ignorée par d’autres, porte sur la crainte de vieillir, ou plutôt sur comment vieillir. Coproduite par Porte Parole, Un et un font mille et Nous sommes ici, Tout inclus nous impose un constat implacable quant à notre rapport aux aînés : nous ne pouvons plus nous en câlisser. La pièce est présentée du 7 au 25 septembre au théâtre Périscope.

Par William Pépin, chef de pupitre aux arts

Texte et idée originale : François Grisé | Mise en scène : Alexandre Fecteau | Distribution : Marie Cantin, Jean-François Gaudet, François Grisé et Marie-Ginette Guay | Décor : Odile Gamache

La pièce est portée par une démarche documentaire que François Grisé rend parfaitement bien, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. Auteur, comédien et chercheur, François Grisé est l’acteur principal de Tout inclus. Après le choc du déménagement de ses parents dans une résidence pour aînés, François décide d’aller vivre une immersion d’un mois dans l’une d’elles, aux Jardins du patrimoine de Val-d’Or. Il tentera d’y démystifier le quotidien d’une RPA (résidence privée pour aînés) en rencontrant les résident.es. L’auteur et comédien nous présente avec charisme et sensibilité son immersion, et prouve qu’il peut jongler avec la subtilité des tons de manière pertinente et juste. Il sait quand être drôle, mais surtout il sait quand nous percuter : entre les rires, les doux malaises et les larmes, François Grisé nous propose de jeter un regard cru, mais bienveillant, sur notre responsabilité collective envers celles et ceux qui nous précèdent.

L’accompagnent sur scène les comédien.nes Marie Cantin, Jean-François Gaudet et Marie-Ginette Guay, qui incarnent principalement les aînés qu’aura l’occasion de rencontrer François Grisé au cours de son immersion de 30 jours. Tous et toutes restituent avec sensibilité un équilibre délicat entre authenticité et chaos. François Grisé le résume lui-même : une résidence pour aînés, c’est un peu comme si tu mélangeais une pièce de Michel Tremblay avec une pièce de Samuel Beckett. Tremblay pour la sensibilité concrète, Beckett pour l’absurdité. Grisé conjugue les deux.

La mise en scène d’Alexandre Fecteau est l’un des points marquants de la proposition. Avec Odile Gamache aux décors, tous deux adoptent judicieusement le mantra Keep it Simple, Stupid, puisque la sobriété avec laquelle Fecteau exploite l’espace scénique fait preuve d’une grande astuce : je pense notamment aux moments in memoriam, ou encore aux passages où Grisé téléphone à ses parents. Le tandem que forme Fecteau à la mise en scène et Grisé à l’écrit prouve que l’on peut traiter de sujets sérieux avec humour et tendresse. J’y vois l’expression d’une grande maturité.

Le constat est clair, le message l’est d’autant plus : nous ne pouvons plus nous en câlisser. Tout inclus canalise cette prise de conscience qui s’est accentuée au début de la pandémie où nous avons vu à quel point nous nous déresponsabilisions de nos aînés, des générations qui nous précèdent, par déni ou par ignorance d’une réalité qui ne nous concerne pas dans l’immédiat. Je m’en voudrais de clore mon papier sans vous encourager à aller voir la pièce. C’est beau, c’est doux, c’est bienveillant, c’est nécessaire.

Crédits photo : Théâtre Périscope

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