J’accuse : Le discours d’une génération

Cinq femmes. Cinq états d’âme. Cinq verbes : encaisser, agresser, intégrer, aduler et aimer. Applaudie par les critiques montréalaises en 2015, la pièce J’accuse de l’auteure Annick Lefebvre vient s’installer à La Bordée jusqu’au 4 février.

Dans J’accuse, l’auteure donne une voix à des femmes, leur permettant de s’exprimer sur ce qui leur pèse lourdement sur les épaules. Brillamment interprétées par Catherine Paquin-Béchard, Catherine Trudeau, Alice Pascual, Debbie Lynch-White et Léane Labrèche-Dor, ces jeunes adultes nous donnent accès à leurs frustrations, blessures et inquiétudes les plus profondes.

Les voici : la fille qui encaisse, vendeuse de bas de nylon; la fille qui agresse, entrepreneure indépendante, mais seule; la fille qui intègre, immigrante en plein effort d’assimilation; la fille qui adule, admiratrice d’Isabelle Boulay; et la fille qui aime, femme au cœur plus grand que nature.

Entre l’acceptable et l’inacceptable, le trop et le pas assez, ces milléniales se livrent sur scène une après l’autre. Elles crient les maux d’une génération, paralysées par des critères de performance trop élevés imposés par la société et des jugements qui leur collent à la peau. S’agit-il d’une réelle prise de parole ou du fantasme de déballer son sac au plus grand nombre? Voudraient-elles troquer leur réalité pour celle de l’autre? Une chose est sure, ces monologues témoignent d’un trop-plein, d’une recherche identitaire et d’un désir inassouvi de s’assumer enfin.

Après un début de représentation légèrement monochrome, Debbie Lynch-White débarque en force avec un personnage coloré. Dans le rôle d’une fan inconditionnelle d’Isabelle Boulay, elle confronte l’auteure. Hilarante et touchante à la fois, la groupie ne demande qu’une chose : être remarquée et aimée par son idole.

Alice Pascual, quant à elle, incarne merveilleusement bien l’immigrante. Elle attaque, à grands coups de « c’est pas vrai que », les préjugés qui la suivent au quotidien. « C’est pas vrai que je ne pratique pas le sexe oral », lance-t-elle, assumée. Le public, d’abord un peu gêné par ses propos, finit par l’accueillir à bras ouverts.

Léane Labrèche-Dor clôt finalement la pièce avec un discours des plus touchant. Cette femme, « qui aime trop », souffre d’une peine d’amitié. S’affirmant dans un refus de faire comme les autres, elle ne désire pas une vie conventionnelle. Elle voudrait simplement pouvoir montrer à ses amis comme elle les aime. Caméra au visage, elle donne envie de la prendre dans nos bras.

La mise en scène et le décor servent à la perfection les mots d’Annick Lefebvre. Sobriété et simplicité décrivent bien la mise en scène, signée Sylvain Bélanger, où les mots se substituent aux gestes. Les femmes se croisent à peine, les plaçant seules face à leur destin.

Une prise de parole qui ne laissera personne indifférent. À voir jusqu’au 4 février au théâtre de La Bordée.

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