Je ne suis personne

Après avoir été présentée au Carrefour international de théâtre en 2009, la pièce Vu d’ici reprenait l’affiche à Québec en cette dernière semaine d’août au Complexe Méduse, comme pour prouver que le sujet – la télévision et ses ravages – est encore plus d’actualité trois ans plus tard.

Cyril Schreiber

Le texte de Mathieu Arsenault met en scène un homme comme un autre, qui passe ses journées devant sa télé. Or, cet homme sans nom a parfaitement conscience de sa condition : absurdité de la vie, impuissance face à la surconsommation et solitude extrême sont au centre de ses réflexions. De cette fiction émerge la question suivante : comment résister face au chaos mondial présenté aux nouvelles ?

Arsenault, sans tomber dans le piège du discours moralisateur, propose un texte cinglant, un brûlot contre cet objet qu’est la télévision, mais aussi contre notre société actuelle, composée d’humains habitués de consommer sans réfléchir. Il livre aussi au passage un cruel portrait du Québec d’aujourd’hui et n’hésite pas à souligner les faiblesses de son peuple si incertain, ainsi que celles de la génération actuelle.

Vu d’ici est peut-être l’une des mises en scène les plus accessibles de Christian Lapointe, qui n’épargne pas pour autant le spectateur. Il a eu la bonne idée d’entourer ce personnage de toutes sortes d’objets dont il se sert pour arriver à ses fins : télévisions en direct, micro-ondes, four, fauteuil et chariot sont autant d’éléments du quotidien qui dominent l’Homme, alors que l’inverse serait plus logique. Une attention toute particulière est portée aux éclairages, qui enveloppent ce personnage dans différentes atmosphères.

Seul sur scène pendant 1h30, Jocelyn Pelletier livre une performance intense et magistrale, malgré quelques accrochages de prononciation dérangeants. Alternant entre différents registres, Pelletier sait autant maîtriser les envolées verbales (peut-être trop nombreuses) que les silences, et n’hésite pas à communiquer avec le public, notamment en lui offrant à manger.

Négative mais lucide, la pièce Vu d’ici contient un certain humour noir. Celui dont on rit sans que cela soit forcément drôle. Au terme de la représentation, le spectateur est plus conscientisé qu’une heure et demie auparavant. Et même s’il ne changera pas ses habitudes de vie, Vu d’ici aura au moins réussi son coup.

Quoi ? Vu d’ici

Qui ? Texte : Mathieu Arsenault, mise en scène : Christian Lapointe

Où ? Salle Multi du Complexe Méduse

Quand ? Jusqu’au samedi 1er septembre

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