Keith Kouna au Grand Théâtre : Un sombre voyage

Si l’album Voyage d’hiver de Keith Kouna nous plongeait dans l’œuvre de Schubert avec un goût de sexe et d’alcool, le spectacle décuple ce sentiment. Le spectateur suit l’alcoolisme d’un homme en peine d’amour hivernale, avec ses hauts et ses bas, mais surtout ses bas. Kouna, par contre, est à son sommet.

Mathieu Massé

C’est à son petit pupitre dans un coin de la scène que l’on retrouve Keith Kouna dès les premières notes, paré pour son voyage d’hiver. Le concert se passe sur une surface faisant office d’appartement où il fera les cent pas, allant du frigidaire à son lit, jusqu’à son pupitre.

Les thèmes de l’alcool et du sexe sont exploités et surexploités dans l’univers où Kouna nous emmène. Surtout dans Le Tilleul, chanson ayant le potentiel de faire rougir les nombreuses têtes grises présentes dans la salle, espérant voir une reprise du Winterreise de Schubert.

Le sexe, chanson également présente sur l’album Du plaisir et des bombes de Kouna, raisonne d’une manière beaucoup plus en accord avec l’esprit du Voyage d’hiver. «On avait commencé à travailler sur Le Voyage d’hiver avant Du plaisir et des bombes et on trouvait que la manière plus rock était bonne, mais pas nécessairement pour le premier. On l’a donc gardée sur les deux», explique Keith Kouna en entrevue avec Impact Campus.

Kouna est accompagné d’un mini-orchestre d’une dizaine de musiciens, dont Vincent Gagnon qui s’est occupé des arrangements aux piano et clavier. Ce sont ces mêmes musiciens qui se transforment parfois en chorale pour donner de la puissance à une chanson comme Le sexe.

Le dynamisme du spectacle a été critiqué, au sens que les 24 lieders, ou morceaux, de Schubert sont confinés dans le petit espace où le personnage semble vivre. Il quitte en effet très peu cet endroit exiguë, ce qui peut devenir lassant à la longue, mais il faut se rappeler que Le Voyage d’hiver ne dure qu’environ une heure vingt. Le spectateur attentif aux paroles n’a pas le temps de réellement se lasser.

Également, les quelques moments où Maryse Damecour prend place sur scène pour y danser lascivement autour de Kouna donne l’image parfaite de la peine d’amour, belle, triste et insaisissable.

Si les chansons sont presque tous interrompues par les applaudissements de la foule, chose qui peut très bien se révéler agaçante quand on sait que le spectacle compte 24 pièces, c’est ce qui s’avère probablement l’aspect le plus négatif de la prestation.

Enfin, la finale du spectacle avec la chanson Les limbes est simplement magique. Il finit enfin par se sortir du carcan où il semblait complètement prisonnier depuis le début du spectacle. C’est un peu comme la lumière au bout du tunnel. Malgré l’air et les paroles toujours sombres, le spectacle donne un sens et jette en quelque sorte une lumière sur ce voyage qu’elle filtre difficilement.

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