Photo : Périscope, Louis-Philippe Chiasson

La légèreté dans le tryptique

Le Périscope a présenté le benjamin du triptyque mis en scène par Philippe Soldevila, L’incroyable légèreté de Luc L., le mardi 13 mars dernier à la Caserne Dalhousie.

Achevant le triptyque rédigé à quatre mains par Philippe Soldevila, Christian Essiambre, Pierre Guy Blanchard et Luc Leblanc, L’incroyable Légèreté de Luc L. est issu d’un long processus de création et de recherche dramaturgique. Les quatre auteurs, amis de longue date, travaillent en collaboration depuis 2008 à explorer le genre théâtral, mais aussi à s’explorer eux-mêmes en tant qu’êtres humains. Un processus qui a donné naissance à un nouveau genre que les dramaturges ont nommé la « fiction biographique ».

Trois pièces sont ressorties de ce travail : Les trois exils de Christian E., Le long voyage de Pierre-Guy B., et L’incroyable légèreté de Luc L. Comme leurs noms l’indiquent, chaque pièce met en lumière l’un des trois acteurs. Les deux autres, eux, ne font que l’accompagner dans sa quête de soi. Le triptyque connote une certaine juxtaposition des trois pièces, ou plutôt des trois acteurs, pour ne former qu’une seule et même personne. En effet, au fil de cette quête, les acteurs (et auteurs) en viennent à se rencontrer à nouveau, mais cette fois en frères puisqu’ils ont bien plus en commun qu’un métier.

Faire face à son passé

Dans L’incroyable légèreté de Luc L., le personnage principal brise totalement le quatrième mur en s’adressant directement aux spectateurs. Reconnu pour ses talents d’improvisation, Luc L. donne parfois lieu à du théâtre participatif, auquel il module son texte aisément. Cette barrière subtilement brisée invite le spectateur à être actif, pas seulement dans ses réactions, mais aussi dans sa pensée. Comme si nous étions tous Luc L., de grands enfants ayant forgé leur carapace en acier au travers du monde des adultes, sans jamais vraiment revenir en introspection de peur de ne découvrir quelques quêtes inachevées englouties par le « paraître ».

Luc L., ancien hypocondriaque, s’est libéré de cette condition grâce à son art. Il se voit lentement rattrapé par cette démangeaison au tournant de la quarantaine, lorsqu’il est temps de concilier le travail et la famille. Oui, Luc L. est un workaholic. Son travail est une addiction qui lui murmure de plus en plus fort qu’il y a un mal quelque part dont il ne s’est pas débarrassé.

Dans L’incroyable légèreté de Luc L., on entend L’insoutenable légèreté de l’être de Kundera : la dichotomie entre la légèreté et la pesanteur de la fatalité. Si Luc L. est un homme léger qui est en phase terminale d’humour, il ne peut échapper à son destin, ou plutôt à lui-même. Luc L. doit faire face à son passé, à sa peur de tomber malade ou de confronter un échec. Dans l’art du spectacle, l’excellence est éphémère, elle ne dure que le temps d’un applaudissement. Luc L. doit se défaire de son addiction au succès pour trouver un juste équilibre entre sa légèreté et son être. Pour y parvenir, Luc L. est gracié de deux amis, deux frères qui, entre deux chicanes, sonnent le glas de la Vérité.

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