En dehors des lignes de piquetage et des rassemblements devant l’Assemblée nationale, des étudiants lavallois revendiqueront leurs positions de façon créative et pacifique cette semaine. 

S’ils viennent de voter le retour en classe après une grève d’une semaine, les étudiants de premier cycle en théâtre ne resteront pas en marge des contestations. Aussitôt la grève entérinée le 19 mars dernier, des étudiants du baccalauréat se sont lancés dans la création d’un théâtre ambulant, L’Austère. « L’idée était de bâtir un petit théâtre qu’on pouvait mettre dans un sac à dos et qu’on peut amener d’un rassemblement à l’autre, indique Émile Beauchemin, finissant au baccalauréat en théâtre. Il va aussi y avoir des petits sketchs qui vont être mis en scène et joués un peu partout sur le campus et dans la Ville de Québec. »

L’initiative répond au désir de « revendiquer plus intelligemment qu’on le fait en ce moment », notamment « par des actions théâtrales et artistiques plus réfléchies » et pacifiques, continue celui qui a piloté le premier Festival de théâtre de l’Université Laval. « J’ai l’impression que le monde ne pense plus que la grève en ce moment soit la bonne façon de se positionner sur le débat de l’austérité », poursuit le jeune homme.

Pour l’instant, il existe un flou artistique sur les détails du projet. Les lieux et moments exacts de même que les textes récités restent inconnus. Il semblerait toutefois que le théâtre participatif et absurde soient au menu et que des actions spontanées aient lieu les mardi 31 mars et mercredi 1er avril sur le campus et en ville, indique Émile Beauchemin.

Cette mobilisation artistique s’inscrit dans la continuité du Printemps érable. Bien plus que les pancartes aux slogans théâtraux et les brigades de clowns qui participaient aux manifestations, c’est la pièce des finissants qui a uni les troupes. Au terme d’une année riche en création, « le spectacle s’est transformé en manifestation artistique de 2h30 contre la hausse des frais de scolarité », se rappelle Émilie Rioux, finissante au moment des évènements.

7e art politisé

Pour leur seconde journée de débrayage, le 2 avril à compter de 13h au DKN-1A, les étudiants en études cinématographiques projetteront des « films à saveur de grève étudiante, de révolution et de mouvements politiques », signale Élodie Leblanc-Lainesse, présidente de l’Association étudiante en études cinématographiques (AÉÉC). Le programme double comprend The Trotsky, « dont l’un des sujets est les mouvements étudiants à Montréal », et V for Vendetta, « film sur la révolution politique qui est un petit bonbon pour nous permettre de s’amuser malgré les sujets lourds qui affectent les étudiants en grève », poursuit la jeune femme.

La projection, dont la décision a été prise la semaine dernière, sera complétée d’un volet création alors que des étudiants feront un Kino. « On va louer une caméra et on va se donner une journée pour faire un film de fiction qui va parler de la grève », explique l’étudiante. Le produit de ces douze heures de création sera sans doute téléversé sur Youtube le jour même, voire le lendemain, poursuit Élodie Leblanc-Lainesse.

Pour savoir si des actions auront lieu après, il faudra attendre l’AG de la semaine prochaine. « Il n’y a rien de décidé après le 2 avril, mais il risque d’y avoir peut-être autre chose », laisse entendre la présidente de l’AÉÉC.

Littérature et poésie au front

Annulation de la Nuit de la création, diminution de l’offre de cours et de bourses aux étudiants : les coupes à l’Université Laval touchent la Faculté des lettres dont fait partie le Département des littératures.

À l’Association des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs en études littéraires de l’Université Laval (AECSEL), on organise une riposte créative contre « les mesures d’austérité, en particulier celles touchant l’éducation et la culture », expose Marie-Ève Muller, étudiante à la maîtrise en études littéraires.

En plus du piquetage, l’AECSEL mettra de plus en plus de l’avant un symbole : un dessin de poisson mort dont l’arête dorsale est remplacée par le mot « austérité ». « C’est pour le premier avril, parce que l’austérité est une sinistre farce », rappelle l’étudiante. Le symbole ne va pas sans rappeler « la lutte aux hydrocarbures et de la pollution des cours d’eau », renchérit-elle.

Lors de la manifestation du 2 avril, petits poissons et poésie seront de mise alors que le comité de mobilisation récitera une trentaine « de poèmes militants pour donner espoir aux manifestants, dont du Godin, du Miron et des poèmes composés en 2012 ». À cela s’ajoutent les « séminaires buissonniers », moments d’échanges « ouverts à tous les cycles du programme » qui remplacent les séminaires de création piquetés.

Au-delà des répercussions de l’austérité sur les services aux étudiants, l’AECSEL conteste les coupures en recherche. Récemment, le poste de coordonnateur à la recherche du Centre de recherche interuniversitaire en littérature et culture québécoises (CRILCQ) a été aboli, compromettant à long terme la diffusion des travaux des étudiants et professeurs, affirme l’étudiante en littérature. « Cette recherche sert à l’enseignement, donc on ne peut pas imaginer après ça que l’enseignement soit aussi fort, invective-t-elle. On est en train de faire des trous partout dans les fondations et un moment donné, on va avoir juste des pages de Noémie Nutella. »

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