Courtoisie : Gabriel Talbot Lachance

Le mal du pays

L’Écosse des années 80, c’est celle de la honte où les jeunes ne trouvent pas leur place et où le sentiment d’être colonisé pue au nez. Entre le mépris de cette société et une ardente fierté identitaire semi-consciente,Trainspotting propose une descente aux enfers pour essayer de se retrouver.

Marie-Claude Savoie

Courtoisie : Gabriel Talbot Lachance
Courtoisie : Gabriel Talbot Lachance

Pourquoi les gens deviennent junkie ? « Pour qu’on leur crisse la paix et le silence ! » Mark Renton est l’un d’eux. Il est sans emploi, mais surtout accro à l’héroïne, tout comme le reste de sa bande d’amis. Il expose leur quotidien perdu dans un tourbillon d’aiguilles et de fluides qui alimentent une soif de vivre mise en veilleuse. Sans pudeur, dans un humour grinçant et un langage ordurier, il nous plonge dans un univers volontairement coupé d’une réalité trop triste pour l’attaquer de front.

Le défi était de taille. La version cinématographique culte de Trainspotting par Danny Boyle marque l’imaginaire depuis dix-sept ans. Comment faire revivre cette histoire malaisante ? Comment nous faire redécouvrir le récit d’Irvine Welsh ?

Tout simplement grâce à des comédiens de talent qui rendent plus réels que jamais la dépendance et l’abandon de soi dans une adaptation théâtrale de Wajdi Mouawad et Martin Bowman qui fait jaillir l’essence même de l’histoire : la honte de l’Écosse et la quête identitaire d’une jeunesse laissée à elle-même. Une réalité qui nous est shootée comme un fix, sans lourdeur moralisatrice.

Lucien Ratio, qui incarne avec brio le rôle de Mark Renton, et ses compagnons de scène nous livrent des performances vraies, mais surtout touchantes. Tout est à vif, sans être surjoué. Claude Breton-Potvin ( Alison ) nous glace le sang avec les cris d’une mère désemparée qui déchire le cœur. Jean-Pierre Cloutier nous présente un Tommy naïf et attachant, tandis que Charles-Étienne Baulne nous trouble par son interprétation de Begbie, un personnage d’une violence indéchiffrable.

Bien que quelques longueurs se glissent ici et là et que des personnages comme Sick Boy ( pourtant essentiel au récit original ) auraient pu être rayés de la production, la mise en scène de Marie-Hélène Gendreau clôt comme une tonne de briques la saison du théâtre Premier Acte.

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