Le spectateur condamné à mort aux Treize : Silence coupable ?

Le Théâtre de Poche se transformera en tribunal, du 17 au 21 février, alors que les Treize y présenteront Le spectateur condamné à mort du dramaturge roumain Matei Visniec. Pour cette première production de sa très courte saison hivernale, la troupe lavalloise traîne la justice en procès et propose un réquisitoire par l’absurde. 

Posé et réfléchi, attablé dans l’une des encoignures du Fou Aéliés, Guillaume Pepin parle avec une calme passion de Matei Visniec, cet homme de lettres roumain dont il s’est fait par deux fois le héraut dans la Vieille Capitale au cours des derniers mois. D’abord en présentant Trois nuits avec Madox cet automne, au théâtre Premier Acte. Ensuite en signant pour les Treize, cet hiver, la mise en scène du Spectateur condamné à mort.

Lorsqu’on précise que l’homme est peu connu au Québec, Guillaume Pepin tient à apporter quelques précisions. « Visniec a tout de même été joué à quelques reprises ces dernières années. Son plus grand succès, L’histoire des ours pandas, a été monté deux fois à Montréal, et une fois à Québec. » Outre-Atlantique, le dramaturge connaît un succès impressionnant. « Il a écrit plus d’une vingtaine de pièces ou de recueils de courtes pièces. C’est l’auteur roumain le plus joué en Europe », explique le diplômé du Conservatoire.

Guillaume PepinPhoto : Danika Valade
Guillaume Pepin
Photo : Danika Valade

Ce qui rend Matei Visniec si intéressant, selon Guillaume Pepin, « c’est sa manière d’écrire la société d’aujourd’hui. C’est un émule d’Ionesco, mais avec une langue très actuelle ». Un maître de l’absurde, donc, dans la lignée de Samuel Beckett. Le metteur en scène poursuit : « ce ne sont pas des pièces simples, il y a quelque chose de métaphysique, du théâtre dans le théâtre ». Les niveaux de lecture abondent et « tout est déconstruit : la société, ce qu’elle représente… On met en doute tout. Le rapport au théâtre est totalement assumé, présent dans le texte ».

 

Dans Le spectateur condamné à mort, c’est la justice qui est remise en cause, le temps d’un procès qui finit par échapper à tout contrôle. « On part de quelque chose de très cartésien, puis tout se défait, on s’éloigne du tribunal et le théâtre prend le dessus », expose Guillaume Pepin. Il poursuit ensuite : « C’est une réflexion sur le rôle du citoyen dans la société. Dans la pièce, le spectateur est quelqu’un qui ne pose pas de questions face à l’injustice. Est-il criminel ? Est-on coupable de rester inactif ? »

Les spectateurs, en effet, sont au cœur de l’oeuvre: c’est l’un des leurs qui, au début de la pièce, héritera en quelque sorte d’un rôle muet et sera accusé et traduit en justice. Les autres figureront le jury et les membres de l’assistance, alors que les dix comédiens se partageront treize rôles « actifs ». L’expérience promet d’être intéressante, croit le metteur en scène. « Il y a une mise en danger des spectateurs et des acteurs. En répétition, on travaille le texte, mais tout peut arriver. » Guillaume Pepin parle de véritable « pièce-événement ».

Comme souvent dans le théâtre de l’absurde, « il n’y a pas de dramaturgie linéaire, et les conventions sautent ». Le genre est néanmoins très populaire chez les Treize, et Guillaume Pepin est confiant. « Il faut arriver à cette pièce en étant complètement ouvert. C’est un discours engagé, un discours intéressant, mais accessible, qui peut rejoindre beaucoup d’étudiants », conclut-il.

Le spectateur condamné à mort, une pièce de Matei Visniec

Présenté au Théâtre de Poche de l’Université Laval

Du mercredi 17 au vendredi 19 février à 20h

Les samedi 20 et dimanche 21 février à 14h30 et 20h

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