Lecture publique: entre expérimentation et apprentissage

Cette semaine, j’ai décidé de faire changement. Plutôt que de me soumettre à l’exercice critique auquel je me prête la plupart du temps après une découverte artistique, je me suis dit que d’approcher mon objet à sens inverse pourrait s’avérer tout aussi pertinent, et me permettrait un regard différent sur l’œuvre qui m’était offerte. C’est ainsi que j’appréhende et me prépare à la lecture publique de L’Iliade, organisée du 12 au 14 novembre par le Conservatoire d’art dramatique de Québec. Dans le cadre de cette performance, je suis allée à la rencontre de Marianne Amyot, une étudiante de 2e année en Jeu, afin d’en savoir davantage sur le projet et de mieux comprendre ce que représente cette étape de lecture publique pour elle et l’apport de celle-ci aux apprentissages et au parcours artistique des étudiant.e.s.

Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), journaliste multimédia

Mise en scène : Marie-Ginette Guay | Musique : Léonard Azzaria | Étudiant.e.s de 2e année en Jeu: Marianne Amyot, Sabrina Angers, Camille Beauchemin, Pascale Chiasson, Mathilde Eustache, Antoine Gagnon, Margo Ganassa, Constance Gosselin, Emmanuel Pelletier-Michaud, Benoît Rivard, Charles Roberge et Gabriel Sénéchal | Étudiant.e.s musicien.ne.s du Conservatoire de musique de Québec : Léonard Azzaria (omposition et dispositif électronique), Rose Deschênes (cor français) et Catherine LaForest (chant), sous la supervision de Yannick Plamondon, professeur

 

Impact Campus : Avant tout, j’aimerais comprendre, dans le cadre académique et d’un cheminement étudiant, dans quoi s’inscrit une telle démarche de lecture publique? Est-ce que cela se fait dans le cadre d’un cours obligatoire, d’une activité parascolaire, et est-ce exclusivement réservé aux étudiants.es de deuxième année?

Marianne Amyot : En gros, on le fait dans notre cours de diction. C’est un passage « obligatoire » au conservatoire en deuxième année, et c’est notre première sortie publique. C’est donc la première fois que les étudiant.e.s sont devant des gens autres que ceux à l’intérieur du conservatoire. Ce n’est pas un choix de le faire ou pas, ça fait vraiment partie de notre formation.

 

I.C. : En termes de préparation, qu’est-ce que cela vous demande? Ce serait quoi disons les grandes lignes et les étapes importantes qui mènent à l’aboutissement du projet?

M.A. : Les répétitions se font en bonne partie en cours, mais aussi en bonne partie à la maison. En cours, on est avec notre prof, c’est du coaching et du one-on-one si on veut, c’est d’avoir un retour sur le travail qu’on fait à la maison. On fonctionne comme ça, parce que la deuxième année au conservatoire se veut plus autonome, elle veut faire en sorte qu’on soit capable de travailler par soi-même sur nos textes. Donc on arrive avec nos propositions et notre travail, pour ensuite se faire donner des notes et se faire aider dans ce travail-là. Il y a un peu cette relation qu’il y aurait avec un metteur en scène. La direction, c’est Marie-Ginette qui s’en occupe.

 

I.C. : Qu’est-ce que ça représente pour vous, la possibilité de faire une lecture publique comme ça dans votre processus d’apprentissage étudiant?

M.A. : Je parle personnellement, je pense que ça change beaucoup d’un.e étudiant.e à l’autre. Pour moi, c’est une première sortie publique, c’est la première fois qu’on se talonne au travail qui n’est plus juste entre-nous, qu’on reçoit un feedback qui est extérieur à ce qu’on vit quotidiennement dans notre bulle du conservatoire. Je pense que c’est aussi une étape vers la troisième année, où on a à faire des exercices publics et des spectacles semi-professionnels aussi, donc c’est une manière pour nous de se mettre dans le bain dès maintenant pour ne pas être trop bouleversé.e en troisième. Pour moi, c’est aussi un peu un premier goût de ce que va être notre vie, dans le sens qu’en ce moment, on se sent encadrés de façon scolaire, on est suivi.es par des profs, mais la finalité est qu’on est devant un public à faire notre spectacle. C’est certain que c’est très personnel (rire).

 

I.C. : Le choix plus spécifique de L’Iliade vous a-t-il été imposé, ou est-ce que ça a plus été un choix consensuel de la part du groupe? Est-ce que c’est une pièce qui vient personnellement te chercher?

M.A. : Ce n’est pas nous qui avons fait le choix de L’Iliade, parce que les textes sont toujours choisis par le ou la prof qui va nous diriger, simplement parce qu’iels ont une vision extérieure de ce qu’on a besoin de travailler et du défi qu’iels veulent nous lancer. Là, c’est vraiment un défi à 12, la lecture publique aussi c’est un défi de groupe tout en étant un défi individuel. Donc le choix ne vient pas de nous, mais je pense quand même après tout ça que c’est un choix qui nous fait triper. C’est une méchante grosse aventure. Ce n’est pas régulier ou si fréquent un spectacle de 5h30 en lecture publique au conservatoire, ce n’est pas comme ça chaque année. On est chanceux de pouvoir vivre ça. Ça vient aussi me chercher personnellement, particulièrement parce que c’est une traduction et une version d’Alessandro Baricco. Donc c’est une version d’Homère qui a été traduite et dans laquelle il y a des morceaux de textes ajoutés par cet auteur. Ils viennent ajouter une perspective sur la guerre, sur ce qu’on en pense, comment on se bat, et surtout pourquoi on se bat, donc c’est une vision très moderne de la guerre. Il y a beaucoup de propos très actuels et proches de nous, même si ça nous paraît très loin.

 

I.C. : Évidemment, une lecture publique sous-entend un processus de distribution des rôles. Comment ça s’est fait? Est-ce que ça engendre une sorte de compétitivité au sein de la classe?

M.A. : C’est certain que c’est un énorme texte de 18 chapitres, qui va durer environ 5h30. Au travers, il y a énormément de personnages, autant plus petits que plus grands. La distribution s’est faite premièrement lors des lectures entres nous. En lisant, on s’amusait à s’échanger les rôles et les différentes parties, à tester les personnages. Notre prof n’est pas arrivée avec une distribution préétablie dès le départ, on l’a formée ensemble. Par la suite, elle nous a demandé de relire et de lui dire les bouts qu’on aimait le plus. À partir de ça, elle a essayé de rediriger les rôles en fonction de ce qui nous plaisait, parce que ça peut être un texte assez long quand tu n’aimes pas ce que tu joues. C’est certain qu’il y a de plus petits rôles, il y a des gens qui parlent moins dans certaines parties, plus dans d’autres, mais dans l’ensemble, il y a une distribution qui est assez égalitaire. Certain.e.s ont plus de rôles, mais qui représentent surtout des apparitions, moi j’en ai 2, dont un qui est assez présent, mais dans tous les cas, tout le monde a un chapitre à lire. Chacun.e a sa chance si on veut d’être dans le spotlight, chacun.e à un moment où iel est le narrateur. Ça n’a donc pas créé de débalancement dans la distribution, ce qui aurait en effet pu être le cas, mais qui n’a pas été amené comme ça. Même que pendant le processus et au fil des lectures, il y a eu des ajustements pour essayer d’équilibrer le tout. On a ouvert la discussion, les choses se sont dites et se sont mieux placées grâce à ça. Donc je ne pense pas qu’il y ait de compétition qui se soit installée. Je pense aussi qu’on est une cohorte très solidaire qui se pousse vers le haut plutôt que de se tirer vers le bas dans une compétition qui n’est pas nécessaire. Je ne sens pas que ça a eu un impact négatif de compétition, surtout que j’ai l’impression qu’on a une conscience de l’autre et qu’on est capable de se laisser l’espace qu’il nous faut.

 

I.C. : La prestation du dimanche est assez particulière. En effet, les spectateurs.rices auront la chance de pouvoir assister au grand marathon de lecture, comprenant les deux parties de L’Iliade, qui s’étendra sur environ 5 heures, avec entracte et pauses. Ça doit être tout un défi de prendre part à des performances de longues durées. Comment le vivez-vous, tant avant, que pendant et après?

M.A. : Je dirais que c’est un peu effrayant, mais à la fois super excitant (rire). Les deux sentiments se côtoient. C’est certain que c’est beaucoup d’inconnu, parce que personne d’entre nous n’a jamais fait de spectacles d’une aussi longue durée. Personnellement, c’est excitant. C’est un travail de concentration, ça nous demande d’être là dans le moment présent, d’essayer de redécouvrir les mots qui sont dits. Et je pense aussi que la présence d’un public va beaucoup aider. On commence à bien connaître ce qu’on dit, mais les réactions et le fait d’avoir cette énergie supplémentaire vont beaucoup aider. C’est certain qu’on l’anticipe tous un peu. Il ne faut pas oublier non plus qu’il y a des pauses, qui sont autant pour les spectateurs et spectatrices que pour nous. Ça nous donne un temps pour manger, reprendre de l’énergie. Je trouve que les pauses créent des étapes et nous permettent ensuite de revenir au spectacle comme si on recommençait, ce qui aide au niveau de l’énergie. On a aussi des musicien.nes avec nous et ce qu’ils nous donnent nous force à nous pousser, et ce qu’on leur propose les force à nous suivre aussi. Il y a une bonne collaboration.

 

*À noter qu’il reste toujours des billets pour la représentation de dimanche. 15 $ régulier | 8 $ étudiant + frais de services.

Voici les informations rendues disponibles par le Conservatoire d’art dramatique de Québec à ce sujet:

L’Iliade chante cinquante et un jours de la dernière année d’une guerre de dix ans qui prend fin avec la conquête et la destruction de Troie. Elle chante des dieux, des hommes et des héros, inoubliables dans la colère et l’ambition, l’audace et l’ingéniosité, la vengeance et la pitié, tous prisonniers des frontières d’un éternel champ de bataille.
Pour l’achat de billets, deux options s’offrent à vous :
OPTION 1 – DÉCOUVERTE DE L’ILIADE*
Assistez à l’une des représentations de vendredi OU de samedi. Les parties sont indépendantes l’une de l’autre, donc vous n’avez pas besoin de voir la première partie pour bien comprendre ni de voir la seconde pour y trouver une conclusion.
La première partie est d’une durée d’environ 3 heures et la deuxième partie, 2 heures.
OPTION 2 – PLONGEZ DANS L’ILIADE
Participez au grand marathon de lecture qui aura lieu le dimanche 14 novembre à compter de 14 h. Celui-ci comprendra les deux parties et sera d’une durée d’environ 5 heures. À cela s’ajoutera un entracte pour le souper et quelques pauses.
* Vous aimeriez vivre l’expérience complète en venant aux représentations de vendredi et de samedi au lieu du grand marathon ? Achetez un billet pour l’une des représentations et écrivez-nous, nous vous offrirons le deuxième billet gratuitement ! (Cette offre est valable jusqu’à ce que toutes les places disponibles soient écoulées.)
Consulter le magazine