Lendemain de mort et gueule de bois

Whitewash : l’homme que j’ai tué

Emanuel Hoss-Desmarais nous offre en guise de premier long métrage un drame psychologique teinté d’humour noir, mettant en vedette l’acteur américain Thomas Haden Church et Marc Labrèche.

Un soir de tempête, Bruce (Haden Church) heurte Paul Blackburn (Labrèche) avec sa petite déneigeuse; défiant en apparence toute logique, le coupable dissimule le corps dans une congère et prend la poudre d’escampette, en pleine forêt. Hanté par les souvenirs de sa rencontre avec Blackburn, survenue quelques jours plus tôt, le Thoreau des temps modernes luttera pour sa vie et pour sa paix d’esprit, tout en minimisant ses contacts avec la civilisation.

À qui s’adresse le narrateur? Un avocat chargé de le défendre des années plus tard? Où est-ce un dialogue intérieur? Peu importe, au fond : ses paroles, jamais superflues, ont le mérite d’aller droit au but et de percuter par leur profondeur et leur humour sombre en filigrane.

Le travail d’André Turpin à la photographie est digne de mention, tout en finesse et en sensibilité esthétique. Hoss-Desmarais relève le défi de filmer l’hiver québécois, dans toute sa poésie et dans toute sa rudesse; un hiver fait de croûte qui défonce et de branches dans la figure, de froids glacials et de redoux. On plonge au cœur d’un silence sylvestre troublé presque exclusivement par les cris perçants des geais bleus.

Les contacts extérieurs seront furtifs et auront pour but la survie immédiate; ici, l’essentiel prend des formes variées : bidons d’essence, bière, mousse isolante ou crottes au fromage. L’arme du crime sera l’ultime refuge, et le coupable, son propre bourreau. Au fil des souvenirs, le portrait de Blackburn s’affine, devient grotesque, puis pathétique; ce qui n’était qu’au départ un fait divers doublé d’un crime s’avère, d’un point de vue moral, plus complexe qu’il n’y paraissait. Le montage nous fait passer d’une époque à l’autre (avant ou après l’impact fatal), ce qui tient en haleine le spectateur, sans cesse occupé à démêler les pièces du casse-tête.

Whitewash sera à l’affiche le 24 janvier prochain.

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