Photo : Courtoisie, Cath Langlois Photographe

La liste signée extra et ordinaire

Le théâtre Premier Acte a présenté la pièce Extras et ordinaires le mercredi 11 avril dernier, un texte de Duncan MacMillan interprété par Jonathan Gagnon.

Macmillan, reconnu notamment pour son adaptation de 1984 de George Orwell sur les planches, aborde un sujet répandu mais encore tabou : le suicide. Qu’il se manifeste de près ou de loin, le suicide est partout. Pourtant, il semble que ce terme ne soit toujours pas proprement défini. Comment se manifeste-t-il ? Est-ce une caractéristique du passage à l’âge adulte ? Est-ce contagieux ? C’est ce que tente de nous expliquer MacMillan avec sa pièce teintée d’humour noir et d’émotion. Au travers de ce sujet, le dramaturge évoque aussi « l’extraordinaire » et tout ce qui gravite autour : la norme, le conformisme, l’authenticité, la différence. Et ce sur tous les plans, à l’école comme dans une relation de couple, dans la famille et même vis-à-vis de soi. Pourquoi avons-nous tous l’impression d’être « bizarre » et que vient faire le suicide là-dedans ? Vivre sa vie à fleur de peau, ça va de paire avec s’accepter.

Un « extra » et un « ordinaire »

Jonathan Gagnon interprète le personnage de Jonathan à travers tous les âges : d’abord au primaire, puis au secondaire, au collège et plus tard à l’âge adulte. Ce n’est que l’histoire d’un petit garçon ordinaire qui devient un homme ordinaire. Hormis le fait que sa mère fait une tentative de suicide à peu près tous les dix ans, parce ce qu’elle ne trouve pas de raisons de vivre. Le petit Jonathan, spontané et naïf comme n’importe quel enfant, réagit à ce drame en rédigeant une longue liste de toutes les raisons qui font que la vie vaut la peine d’être vécue. Cette liste l’accompagne tout au long de sa vie. Elle disparaît puis réapparaît, elle s’allonge surtout, jusqu’à atteindre les un million de raisons de vivre. Jonathan est ordinaire et pourtant, il se sent différent. Pas assez parfait, peut-être. Un sentiment de vide et d’impuissance dont il se libère grâce à ces petites raisons de vivre, comme une crème glacée ou encore un tourne-disque.

Un nouveau regard

Tout au long de la pièce, Jonathan n’hésite pas à interpeller le public et à choisir des acteurs improvisés pour l’accompagner sur scène. Ce théâtre participatif a pour effet de briser le quatrième mur et de faire plonger le spectateur au creux de l’histoire, de la lui faire ressentir. Pour un thème comme le suicide et une question existentielle sur l’identité, à savoir si l’on peut réellement être ordinaire ou non, cette formule est excellente. Elle brise les préjugés et empêche de spectateur de s’échapper. Il doit se confronter, sortir de sa zone de confort où il est bien plus simple de se dire que le suicide n’est qu’une autre forme de lâcheté et qu’on ne peut pas en rire. Le sujet, bien que lourd, est abordé avec légèreté pour une raison que MacMillan explique de ses propres mots : « Tu n’es pas seul, tu n’es pas bizarre, tu vas y arriver, et tu dois simplement être patient. Ce n’est pas cool et c’est très démodé de le dire, mais je le pense vraiment. Je n’ai jamais entendu personne parler de la dépression suicidaire de manière utile ou intéressante. » Ce à quoi le dramaturge a remédié avec sa splendide pièce.

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