-M-, ÎL

Avant même d’écouter les premières notes d’Îl, on sait qu’on aura affaire à l’oeuvre d’un personnage coloré et déjanté. Pour l’ouverture de Elle, Mathieu Chédid, mieux connu par la première lettre de son prénom, joue avec le feu et ose les clapotis aqua­tiques en fond sonore. Une première partie plus épurée, pour voix et piano, fait place à une section rythmée, où la guitare électrique est reine, et où un clavecin s’invite sans toutefois détonner. Sa voix de fausset lui permet des interprétations aux textures multiples et peut à la fois donner une impression de vulnérabilité et d’émotivité, comme elle peut également coller à d’énergiques extravagances vocales, comme dans Mojo, qui se révèle un amalgame judicieux de plusieurs ingrédients pouvant engendrer un hit : répétitions, mélodie simple facile à retenir ( et qui s’incruste… Soyez avertis ! ) et clip rigolo à l’appui pour compléter le «produit». -M- a choisi la pop comme médium et est habile avec le langage et les codes qui lui sont propres. Les arrangements sont audacieux et touffus. On pourrait reprocher un certain manque d’unité à la création, qui semble aller dans toutes les directions, ou plutôt considérer que cet éclectisme est une force : en effet, on ne s’ennuie pas une seconde. On entre dans autant d’univers que de chansons : sur Baïa et L’île intense, on est transporté sur l’Île de la Réunion par des percussions chaudes et des guitares typées ; Machine s’ouvre sur un riff un peu surnaturel, pour nous transporter musicalement dans une Chine du futur ; La grosse bombe porte bien son nom avec son ouverture militaire et son propos plus engagé (ici pas de solutions, plutôt des constatations, mais qu’importe) ; La maison de Saraï joue quant à elle la carte du jazz manouche. Mention spé­ciale à Enihcam, en bonus, qui est en fait Machine, mais à l’envers, qui prouve qu’on peut séduire le public par des pièces plus com­merciales tout en conservant un goût pour des expérimentations plus osées ainsi qu’une véritable proposition artistique. Bref, Îl nous offre une pop convaincue, étoffée et rassembleuse.

4/5

Justine Pomerleau-Turcotte

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