Michel Legrand et Natalie Dessay enchantent Québec

Il aura fallu tout juste un peu plus d’un an pour que Michel Legrand retrouve le public québécois, après une première collaboration mémorable avec les Violons du Roy au printemps 2012. Cette fois, le légendaire compositeur et l’orchestre étaient accompagnés de la soprano Natalie Dessay, qui a interprété certains des plus grands succès du monument de la chanson française.

La salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm était pleine pour cette deuxième représentation, et a éclaté en applaudissements lorsque Michel Legrand, complet noir et nœud papillon, est entré sur scène. Toujours aussi sympathique et débonnaire, l’homme de 81 ans, après quelques échanges décontractés avec le public, s’est lancé dans une ébauche de concerto pour piano et orchestre, bientôt rejoint par sa femme Catherine Michel, harpe solo de l’opéra de Paris, puis par Paul Brochu à la batterie et Frédéric Alarie à la contrebasse. Lorsque les Violons du Roy sont entrés sur scène, après quelques minutes, tous les complices du printemps 2012 étaient réunis. Une nouvelle venue n’a pas tardé à faire son apparition : Natalie Dessay, en robe dorée et paillettes, s’est bien vite avancée sur scène pour livrer quelques chansons, notamment la très belle Valse des Lilas en duo avec le compositeur. Pimpante et gamine, la chanteuse a interprété avec une légèreté mêlée d’aplomb certains des plus beaux succès de l’icône de la musique et du cinéma français, offrant au public sa voix chaude et pure.

Si Michel Legrand et Natalie Dessay semblaient unis par une belle complicité — ils viennent tout juste de terminer une tournée française et de lancer ensemble un très beau disque, Entre elle et lui — le lien entre le compositeur, l’orchestre, Éric Brochu et Frédéric Alarie semblait tout aussi fort et naturel. Il a pu s’exprimer pleinement lors de deux sections purement instrumentales, Natalie Dessay ayant en effet passé près de la moitié du spectacle hors de la scène, histoire de changer de robe et de laisser Legrand et ses copains délirer un peu. Et quel délire! Encore une fois, l’œil farceur et le sourire sincère, l’artisan des Parapluies de Cherbourg et de L’été 42 s’en est donné à cœur joie au piano, se laissant aller, avec ses complices Alarie et Brochu — excellents, comme toujours — à quelques fulgurantes improvisations sur le toujours magique You Must Believe in Spring, de même que sur l’éclaté Dingo Rock, fruit de la dernière collaboration entre Legrand et Miles Davis. Les Violons du Roy ont ensuite pu briller à l’occasion du retour sur scène de Natalie Dessay et en interprétant la très belle Family Fugue. Après la deuxième disparition de la soprano, cependant, c’est Catherine Michel, magnifique et émouvante, qui s’est retrouvée sous les projecteurs, interprétant notamment avec l’orchestre — et la participation toujours dynamique de Legrand, Alarie et Brochu — le thème de L’été 42 et un superbe medley tiré du Yentl de Barbra Streisand. De la belle, très belle musique, livrée avec un mélange de douceur, de vivacité et de passion.

Natalie Dessay est ensuite revenue sur scène pour un dernier tour de piste. Au cours de ses trois passages, toujours enthousiaste et apparemment ravie d’être là, elle aura donné vie à une douzaine de morceaux choisis, tantôt nostalgiques, tantôt romantiques ou même comiques. Les Demoiselles de Rochefort ont eu droit à de belles interprétations tandis que Peau d’Âne, avec le Cake d’amour et le Conseil de la fée des Lilas, a donné lieu à de beaux instants de légèreté et de coquetterie. Parmi les moments forts d’une soirée qui en a compté beaucoup, notons aussi les toujours tendres et émouvantes Papa Can You Hear Me et What Are You Doing the Rest of Your Life. La soprano a aussi chanté en duo avec le compositeur trois fois oscarisé l’indétrônable et indémodable Les moulins de mon cœur, applaudi dès les premières notes, de même que le poignant — bien qu’inégal, la voix de Legrand ayant tendance à disparaître sous l’orchestre — Duo de Guy et de Geneviève, des Parapluies de Cherbourg. Le concert s’est terminé de sublime façon alors qu’une Natalie Dessay plus en voix que jamais a interprété Le dernier concert de Claude Nougaro. La superbe conclusion d’une belle, très belle soirée, au cours de laquelle le jazz et la chanson française, le plaisir et l’émotion se sont mariés magnifiquement, de la première à la dernière note.

Michel Legrand, Natalie Dessay, Catherine Michel et leurs complices reviendront à Québec le 19 décembre, en plus de se produire à Montréal et Toronto.

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