Midsummer (une pièce et neuf chansons) : douce folie

Il y a quelque chose d’irrésistible dans Midsummer, cette comédie romantique joyeusement échevelée du dramaturge écossais David Greig, présentée en sol québécois par le Théâtre de la Manufacture depuis maintenant deux ans. Jusqu’au 6 décembre, la pièce est de passage au Théâtre de la Bordée, histoire d’égayer un peu cet automne venteux et gris qui sévit sur la Vieille Capitale.

Midsummer est une œuvre qui fait du bien. Une pièce sans prétention, vive et scintillante, servie par deux acteurs heureux d’être là, qui vous accroche un doux sourire au visage et dont les charmantes mélodies folk restent longtemps ancrées dans l’esprit. Les accords de guitare se mêlent en effet aux répliques dans cette création atypique où les acteurs poussent la chansonnette, jouent, racontent, cabotinent un peu, s’amusent beaucoup, et offrent au spectateur un moment de pur plaisir même pas coupable.

Midsummer, c’est d’abord l’histoire d’une rencontre improbable, comme le veut le canon de la comédie romantique. À la veille du solstice d’été, il pleut sur Édimbourg. Helena (Isabelle Blais), jeune avocate spécialisée en divorces, boit seule sa coupe de vin. Celui qu’elle attend — un homme marié, on le devine —, ne viendra pas. Soudain, elle aperçoit Bob (Pierre-Luc Brillant), petit malfrat sans envergure, poète à ses heures, dont la dernière magouille s’éternise et qui traîne sa belle gueule au bar. Helena l’aborde et lui propose une nuit de sexe torride. Il acquiesce.

Le lendemain, les deux bonnes âmes, un brin écorchées et très assommées par leur nuit d’excès, se séparent. Bob doit racheter son échec de la veille au plus vite, tandis qu’Helena est demoiselle d’honneur au mariage de sa sœur. Évidemment, rien ne se passera comme prévu et les deux amants d’un soir, enchaînant les petits désastres, se retrouveront face à face. Dans un vieux sac en plastique, Bob cache 15 000$, fruit d’un récent larcin. Sur un coup de tête, il propose à Helena de tout dépenser. S’ensuit une folle nuit lors de laquelle, entre dégustation de vin et bondage japonais, les deux compères se dévoileront peu à peu, avec leurs secrets, leurs échecs et leurs espoirs.

Midsummer ne se prend pas au sérieux : cette comédie romantique s’amuse avec les codes du genre, qu’elle tourne parfois au ridicule, sans pour autant les renier. La pièce se rit de l’amour fleur bleue pour mieux l’épouser, prise, en quelque sorte, à son propre jeu. Le regard décalé, un peu cabotin, parfois émouvant et toujours pertinent de David Greig ne donne jamais dans la lourdeur, ni dans l’insignifiance. Le ton est juste, et les textes, traduits par Olivier Choinière, sont d’une redoutable efficacité. La mise en scène de Philippe Lambert, d’une grande simplicité, un peu brute parfois, s’accorde très bien avec le caractère éclaté de la pièce, dont la forme oscille entre l’anecdote joyeuse, la conférence philosophique, le jeu classique et le concert folk intimiste. L’ensemble dégage un puissant dynamisme, et une belle authenticité.

Dans les rôles de Bob et d’Helena, Pierre-Luc Brillant et Isabelle Blais, d’une rare polyvalence, sont formidablement attachants. Leur complicité et leur dévouement sont évidents : pendant près de deux heures, ils s’abandonnent totalement, changeant parfois de peau pour se faire personnages secondaires, la guitare toujours à portée de main afin de donner vie à la touchante musique de Gordon McIntyre, avec talent et sensibilité. Si Midsummer possède un charme fou, et qu’on en ressort l’âme légère et le cœur content, c’est avant tout grâce à eux.

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