Métaphysique du Schtroumpf

Le récit commence en douceur. Le narrateur « se réveille pour la première fois », et s’abreuve du moment présent. La nausée n’est pas loin, l’existentialisme non plus. Tout allait bien jusqu’à ce qu’il arrive, lui, le corps bleu, le chapeau blanc. Illusion, métaphore, mise en abyme du bureau universel des copyrights ? Rien n’est certain, sinon que par la suite, tout dégringole. D’une plume poétique et saisissante, l’auteur nous entraîne dans le labyrinthe subjectif d’un homme qui vit pour la première fois et se démembre au fur et à mesure que l’univers s’égraine. Il devient hybride, rapiécé de références, comme le roman.

Des tableaux d’Arcimboldo à la Déclaration universelle des droits de l’homme, en passant par Luke Skywalker et Fellini, Laverdure nous offre une faune référentielle surprenante. Dans ce roman, cet abus de références sert au projet, ajoute une couche à l’œuvre : l’auteur met en scène un univers fictionnel où l’achat temporaire de copyrights est monnaie courante. Il est donc logique de retrouver bon nombre de références culturelles, le Schtroumpf farceur étant l’exemple idéal du personnage à fonction unique, tout droit sorti d’un imaginaire collectif. Ici, on a affaire à un roman à intelligence artificielle, c’est-à-dire à une œuvre qui se pense elle-même, qui a conscience de sa fictionnalité et qui s’amuse avec sa propre mécanique.

Manipulant les gadgets scientifiques et les métaphores surréalistes, le roman parvient à se faufiler à travers les genres, se grugeant une petite place tout près de l’anticipation. Du coup, on a devant soi une œuvre multiforme, une patente littéraire qui parle d’elle-même, sans trop de prétention, sinon celle de nous raconter le cycle subjectif de la vie. En ce sens, force est d’avouer que le projet en vaut la peine. Ce n’est certainement pas un chef-d’œuvre, mais il saura faire sourire le lecteur aguerri, lequel se prendra peut-être au jeu et se demandera, en refermant le livre : mais diantre, « comment met-on de l’essence de Schtroumpf dans son costume ? »

Crédit photo : Courtoisie

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