Un nouvel album étoffé pour Pierre-Hervé Goulet

Loin de se contenter d’un premier album qu’il livre lui-même de salon en salon à travers le Québec, Pierre-Hervé Goulet lance Pas loin d’ici un an et demi plus tard. Le 2 mars 2018, il dévoilait 13 titres mûrs qui prolongent son exploration d’une poésie musicale aux couleurs folk.

« L’album Pas loin d’ici est une histoire qui part de loin pour mieux revenir en paix. Elle contient 13 chansons composées d’insomnies, de rêves et de réalités qui prennent la route d’un one-way amoureux. » Voilà ce qu’on en dit sur le site officiel de l’auteur-compositeur-interprète. Il serait plutôt difficile de s’approcher davantage des préoccupations artistiques de Pierre-Hervé Goulet. En quelques mots, on esquisse la palette thématique du jeune homme tout en soulignant la présence d’une trajectoire réflexive sous-jacente à chacune des chansons.

C’est bien cela que l’on ressent à l’écoute de l’album. Ses sujets sont vastes et précis à la fois ; il s’attaque à l’expérience humaine, à la fois sienne et collective. Alors que Bien à vous aborde de front – et avec une touche d’humour – la déception reliée aux refus divers que doit essuyer un artiste, Les One-Way sillonne plutôt les difficultés inter-relationelles en amour. C’est aisément que chacun des auditeurs peut se sentir interpelé par le contenu de ses chansons.

Le langage comme moteur de création

Fidèle à lui-même, Pierre-Hervé Goulet propose des compositions où la langue française devient une matière première. C’est avec brio qu’il en exploite à la fois la sémantique, la rythmique et la phonétique. C’est sans aucun doute là que réside la force de ses chansons. Allitérations et assonances abondent et s’inscrivent dans un langage qu’il fait sien, riche d’images, d’intelligence, de sensibilité et parfois d’humour. Le choix d’un mot plutôt qu’un autre n’est jamais laissé au hasard et, de temps à autre, l’on se retrouve agréablement déjoué par la réappropriation d’expressions figées : « Toi au cœur d’escampette tu as pris la poudre » (La réalité).

Pierre-Hervé revisite le langage jusqu’à en faire le moteur d’une musique accrocheuse, simple et réfléchie. C’est habilement et intelligemment que se cache un poète derrière le musicien et un musicien derrière le poète. Toutefois, le texte de la cinquième chanson de l’album, La prière, semble moins abouti que les autres. Il se contente de piger dans le vocabulaire de diverses religions et spiritualités pour nourrir l’idée que « nous ne sommes qu’une race humaine », que « le monde est entier ». Alors que Pierre-Hervé crée une langue qui lui est propre dans le reste de l’album, celle de cette chanson demeure plutôt dans le déjà-vu, dans le lieu commun d’une paix et d’une unité utopiques.

Des harmonies douces et sobres

Si l’on ressent l’acharnement de l’artiste à trouver le mot juste, les arrangements musicaux, quant à eux, misent plutôt sur une certaine simplicité. Ils agissent comme un support au texte, doublant certains accents ou articulations de la voix. Les lignes mélodiques placent les bases de l’univers poétique de Pierre-Hervé Goulet. À sa voix se joint celles plus lointaines de Lou-Adriane Cassidy et d’Ariane Roy. C’est avec douceur, sobriété et légèreté que les harmonies doublent certains passages du texte. Ces voix sont particulièrement remarquables dans Petite fleur où elles font écho à la grisaille d’un homme trompé par cette fleur, belle et infidèle. La brève chanson se termine sur ces plaintes mélodiques qui planent et se perdent à leur tour dans une brume mélancolique. Les arrangements musicaux arrivent à tout coup à générer une atmosphère qui s’accorde à merveille avec le ton du texte.

S’il arrive que la voix de Pierre-Hervé Goulet semble manquer de stabilité dans les rythmes plus lents, la beauté du texte, la solidité des musiciens et le soutien des choristes parviennent à le contrebalancer.

Dans son ensemble, l’album de Pierre-Hervé Goulet varie ses propositions tout en offrant un tout cohérent et mur. L’auditeur découvre peu à peu un Pas loin d’ici où s’entrecroisent la tendresse, la tristesse, la joie et la fête. Il témoigne d’un travail acharné et d’une passion contagieuse pour la chanson francophone.

4/5

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