Le 2 novembre dernier, Jorane faisait du Théâtre Petit Champlain un des derniers jalons de trois ans de tournée.

Justine Pomerleau Turcotte

En compagnie du violoncelliste Valentin Mussou (qui d’habitude ne partage sa scène que lors des concerts en Europe), l’auteure-compositrice-interprète a fait vivre les pièces de son plus récent album, L’instant aimé, avec quelques détours par le matériel de ses opus précédents.

L’artiste a le don de capter l’auditoire. Qu’elle murmure ou s’époumone, qu’elle soit armée d’un violoncelle ou d’une harpe, les oreilles se tendent et les moins inhibés s’exclament. Le bal est lancé avec Film V, une proposition instrumentale avec vocalises issue de son disque paru l’automne dernier. Elle, debout, joue pizzicato et travestit presque le violoncelle pour une guitare; lui, l’invité, bien assis, manie l’archet comme un mousquetaire son épée. Ici, l’absence de paroles n’est pas une excuse pour laisser l’auditoire dans la brume; elle explique que cette musique aurait pu s’appeler « Le printemps », et fait faire à la foule ce qui peut l’évoquer (chants d’oiseaux, croassements des grenouilles, neige qui fond), pendant que son acolyte en écho imite ces sons.

Moments forts en vrac : la superbe Allégeance, avec sa poésie et ses mots, de René Char, qui ne demandaient qu’à être habillés de musique; Farfadet, amenée de façon théâtrale et rendue encore plus étonnante par ses caractères contrastants et le chœur créé par la foule pour supporter la mélodie; J’ai demandé à la lune, reprise d’Indochine qu’il serait légitime de trouver plus intéressante que l’originale; Une sorcière comme les autres, dans laquelle on entend que Jorane est très bien placée pour interpréter Anne Sylvestre et pour transmettre l’émotion de ce grand texte; et L’instant aimé, dans laquelle on pouvait palper le bonheur de passer cet instant à partager sa musique. En guise de rappel, elle a partagé une composition inédite, Film VII (la deuxième de la soirée, puisqu’on avait déjà eu droit à Film VI), et un peu de Pauline Julien; la chanteuse-violoncelliste a d’ailleurs participé à l’album lui rendant hommage, Femmes de feu, paru cet automne.

Jorane semblait ce soir-là au sommet de sa forme. Sa voix parcourait des distances étonnantes et était au service de toutes ses intentions expressives. Avec Mussou, elle prouve que le violoncelle n’est pas que mélodique; les deux instruments créent un son plein, qui supporte la fougue véhiculée par les interprètes.

En première partie, l’auteure-compositrice-interprète Juülie Rousseau nous a offert ses créations marquées par les voyages en Orient. Sa voix, polyvalente, lui permet d’étaler un éventail de techniques qu’on imagine glanées au fil des écoutes et des rencontres. Un début prometteur, à condition d’éviter les lieux communs des récits de voyages. Son premier album, Nomade, paraîtra sous peu.

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