Courtoisie Prayitno

#OscarsSoWhite : La pointe de l’iceberg ?

Cette année, la controverse entourant le manque de diversité à Hollywood refait surface avec le mouvement #OscarsSoWhite. Cela teintera la 88e cérémonie des Oscars qui se tiendra le 28 février prochain. Retour sur les causes ayant mené à la controverse et qui expliquent le manque de diversité ethnique dans le cinéma hollywoodien.

Après avoir appris que, pour une deuxième année de suite, la totalité des vingt finalistes nommés aux Oscars ont la peau blanche, l’actrice Jada Pinkett Smitt et le réalisateur Spike Lee déclarent publiquement qu’ils n’assisteront pas à la cérémonie. Ces déclarations se répandent comme une traînée de poudre dans la twittosphère, donnant naissance au mouvement #OscarsSoWhite.

Plusieurs personnalités, dont l’acteur Will Smith, affichent alors leur soutien et comptent boycotter la soirée. D’autres, dont Charlotte Rampling, n’adhèrent pas au mouvement de contestation. Rampling, nommée dans la catégorie « meilleure actrice » pour son rôle dans 45 Years, affirme lors d’une entrevue qu’un éventuel boycottage serait du « racisme contre les blancs ».

« Un monde largement dominé par de puissants hommes blancs »

Les instigateurs du mouvement #OscarsSoWhite revendiquent du changement à l’Académie des arts et des sciences du cinéma de même que des nominations qui incluent une plus grande diversité. Esther Pelletier, professeure de cinéma au Département des littératures, mentionne « qu’encore aujourd’hui, l’Académie est avant tout un monde largement dominé par de puissants hommes blancs », ce qui peut avoir un impact sur les films et les acteurs mis en nomination.

La situation semblait plus reluisante lors de la première décennie des années 2000. Entre 2001 et 2007, quatre statuettes ont été remportées par des Afro-Américains. S’agit-il d’un concours de circonstances ou la représentation de la diversité ethnique à Hollywood est-elle en déclin ?

Photo : Jérémie Salmon-Martel
Photo : Jérémie Salmon-Martel

« Encore aujourd’hui, l’Académie est avant tout un monde largement dominé par de puissants hommes blancs », Esther Pelletier, professeure de cinéma au Département des littératures

Aux yeux de Laurence Vinet, étudiante en littérature et en cinéma, il pourrait s’agir d’un déclin. « Il ne faut pas oublier que les gens qui votent aux Oscars sont influencés par la société dans laquelle ils vivent. On observe en ce moment une radicalisation vers la droite; il suffit de penser à l’engouement pour Donald Trump », avance-t-elle.

La vision d’Hollywood, un plus grand problème

Or, pour certains commentateurs, dont l’actrice Viola Davis, nommée aux Oscars à deux reprises, le véritable cœur du problème ne serait pas l’Académie, mais la vision jugée rétrograde qui prévaut à Hollywood. « Les producteurs d’influence pensent-ils à attribuer des rôles différemment? Vont-ils donner un rôle à une femme noire? À un homme noir? », a-t-elle déclarée au magazine Entertainment Weekly.

Laurence Vinet s’inscrit dans la vision de Davis. L’étudiante constate que les acteurs de couleur, même s’ils étaient davantage en avant-plan lors de la dernière décennie, sont encore souvent relégués aux rôles moins importants. « On n’envisage pas de leur donner des rôles, sauf quand on veut présenter des personnalités non-blanches qui ont existé, Martin Luther King, par exemple », évoque-t-elle.

« On ne pense pas à attribuer un rôle générique à quelqu’un d’autre qu’un Blanc », Nathan Murray, étudiant à la maîtrise en histoire

Nathan Murray, critique cinéma pour Impact Campus et étudiant à la maîtrise en histoire, abonde dans ce sens. « Les Noirs, tout comme les autres minorités ethniques, sont cantonnés dans certains rôles. Ces rôles sont presque nécessairement stéréotypés. On ne pense pas à attribuer un rôle générique à quelqu’un d’autre qu’un Blanc », affirme-t-il.

Un vent de changement à l’horizon ?

Le mouvement #OscarsSoWhite serait-il le coup d’envoi qui contribuera à changer la donne à Hollywood? Sans toutefois pouvoir prédire sa portée à ce stade-ci, Esther Pelletier, Nathan Murray et Laurence Vinet s’entendent pour dire qu’un tel mouvement peut ébranler de hautes instances comme l’Académie.

« À force de combat, la société change. À ce titre, les artistes ont toujours été avant-gardistes; Spike Lee est un bon exemple », affirme Esther Pelletier. Or, il semble que l’Académie ait bel et bien été ébranlée : le 22 janvier, elle annonçait des changements incluant des mesures de vote remaniées et l’intégration de sang neuf dans les comités décisionnels.

D’ici 2020, l’Académie compte doubler le nombre de femmes et de membres non-blancs présents dans ses divers comités. L’implantation de tels changements peut-elle avoir lieu, et ce, dans les délais prescrits? Nathan Murray répond par l’affirmative. « À mesure qu’il y a une réelle volonté de changement, c’est possible », conclut-il.

Les Oscars en noir

La première personne d’origine afro-américaine à remporter un Oscar est Hattie McDaniel, pour son rôle de Mammy dans Gone With the Wind (meilleure actrice de soutien, 1939). Il faut ensuite patienter pendant plus de 20 ans pour qu’une deuxième performance d’un acteur noir soit remarquée par l’Académie (Sidney Poitier, meilleur acteur pour son rôle dans Lillies of the Field, 1963).

Au total, on dénombre 44 Afro-Américains nominés, dont une douzaine ayant remporté une statuette. La plupart des gagnants se concentrent dans la période allant de 2000 à aujourd’hui (Denzel Washington, Halle Berry, Jamie Foxx, Forest Whitaker).

Source : Utica Public Library

Les votants de l’Académie en 2012

Âge moyen de 62 ans

14 % on moins de 50 ans

77 % sont des hommes

94 % sont des Blancs

2 % sont des Afro-Américains

2 % sont des Hispano-Américains

Source : Los Angeles Times

 

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