Pas si rose que ça

Jean-François Cooke et Pierre Sasseville
Depuis dix ans, l’indissociable duo Cooke-Sasseville ne passe pas inaperçu dans le monde de l’art grâce à ses expositions tantôt naïves, tantôt crues. L’ensemble de l’œuvre des deux artistes peut sembler déconcertante: il est difficile de classer leur style. Si la forme peut changer, l’intention reste pourtant la même puisque derrière chaque création se cache la dénonciation de comportements sociaux banalisés par l’ère contemporaine. Par exemple, l’exposition Silence on coule en 2005 présentait un autel surélevé sur lequel était disposée une série de sexes masculins et féminins ruisselants, tandis que sur les murs de la pièce étaient inscrits des qualificatifs utilisés pour décrire des voitures. Le but était de suggérer une image parodique du culte de l’automobile et de l’identifier comme le prolongement de la puissance sexuelle de l’automobiliste.

La vie en rose
Pour leur nouvelle exposition, Jean-François Cooke et Pierre Sasseville se sont inspirés d’une figurine de flamant rose à demi fondue qui se trouvait dans leur atelier. Les longues pattes de l’animal en plastique étaient fléchies, mais toujours rattachées à leur socle, alors que le reste du corps reposait à l’horizontale. Cette contorsion peu commune a inspiré les artistes, qui ont pris plaisir à la reconstituer en format géant. Ils ont par la suite fabriqué des rails de chemin de fer avec des rebords turquoise et des planches de céramique. C’est sur un des montants que repose la tête du flamant. Vu l’utilisation de cette figurine comme sujet, le titre de l’exposition s’est imposé de lui-même.

Dans l’ensemble, la création qui constitue l’unique pièce d’exposition de la galerie a de quoi déconcerter. Néanmoins, si la position ridicule dans laquelle se trouve le flamant rose peut inspirer la rigolade, l’inquiétude succède bientôt au rire à mesure que surgissent les questions : pourquoi se tient-il dans cette position? Que fait-il près des rails? Un train va-t-il le décapiter? «Notre travail, c’est de mettre en lien des objets symboliques, des éléments forts», affirme Jean-François Cooke. «Les gens en tirent leur interprétation.» En somme, les artistes ne souhaitent pas donner la clé de l’interprétation. Il revient au spectateur de donner un sens à ce qu’il voit en s’inspirant des symboles présents dans l’œuvre, liés à la mort, à l’attente ou à la folie.

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