Photo : Courtoisie, Simone Records - Magalie Pleau

Darlène de Noémie D. Leclerc: point de chute d’un projet de vie forcé

Avec Darlène, lancé en tandem avec la trame sonore du même nom signée Hubert Lenoir, Noémie D. Leclerc signe un premier roman prometteur, relatant tantôt avec candeur, tantôt avec un réjouissant cynisme, les aléas de la vie d’une jeune femme en quête de sens. Récemment diplômée au collégial, elle remettra en question au fil de 225 pages bien ficelées ses relations familiales, ses amitiés, ses amours, son avenir. 

Le récit se déroule dans le quartier Montmorency à la toute fin de l’été, période tampon entre la saison des plages et celle de la rentrée, propice à l’errance et aux remises en question de toutes sortes. Darlène a 20 ans, des études en sciences naturelles, un emploi décent au service à la clientèle chez Réseau Contact, mais un besoin manifeste de nouveautés. 

L’aînée des deux enfants d’Annick Leblanc, un véritable modèle depuis son plus jeune âge, à l’école comme à la ville, en a assez de se plier aux ambitions de sa mère ; la carrière en médecine qu’elle se devrait nécessairement d’atteindre ne correspond pas à ses ambitions. L’université ce n’est pas pour elle, début des classes imminent ou non. 

Le traditionnel souper dominical, rassemblant la famille élargie dans la maison des grands-parents, est le théâtre d’une saine multitude de malaises larvés éclatant sporadiquement en engueulades bien senties. Doris et Maurice, un couple d’une autre époque à l’amour éteint confinant au folklore national, fédèrent comme ils le peuvent ou exacerbent les opinions et ambitions de leurs enfants et petits-enfants, dans une grande valse-hésitation intergénérationnelle entre la Floride et Montmorency. Darlène peine à faire entendre sa voix dans ces assemblées, entre un club sandwich et un épisode de La Voix Junior. 

Une rencontre inattendue 

Gagnante en début de récit d’un concours organisé par un restaurant Normandin, Darlène se voit offrir trois nuitées dans un hôtel de la chaîne, occasion de fuir une mère quelque peu contrôlante. S’embarrant dans la chambre attenante à la sienne, elle y fait la connaissance d’Ashton, jeune Américain venu dans le Grand Nord pour en finir avec la vie du haut de la chute Montmorency.  

La rencontre inattendue se transformera en amitié, jalonnée de confidences et de moments de rapprochements, à partir de laquelle deux destins se joindront, jusqu’à se confondre. 

Une écrite fraîche et efficace 

Dès les premières pages du roman, Noémie D. Leclerc démontre un impeccable sens de la formule, rendant avec brio l’univers d’une jeune adulte de Québec, avec ce qu’il faut de clins d’oeil à certains lieux phares et personnages de la ville. Les locaux rigoleront ou s’égareront dans une nostalgie analogue à celle de l’héroïne, les autres feront bien de garder Wikipédia ouvert et à portée de main. 

Parmi les tours de force de l’auteure, notons la poésie toute simple et sourire en coin avec laquelle elle décrit le quartier Montmorency, ses rues, ses parcs, ses maisons. « Descendre l’escalier rappelle des souvenirs. D’en haut, on voit le fleuve refléter les étincelles de l’île d’Orléans et le pont joindre les deux terres avec l’élégance du Golden Gate et l’humilité d’une planche de bois au-dessus d’une flaque d’eau. »  

Autre point fort de ce premier roman : un sens aigu du dialogue, principalement ces échanges de famille au souper auxquels on revient avec beaucoup de plaisir. L’oralité prend une bonne place dans l’écriture de Noémie D. Leclerc, mais jamais avec une telle efficacité, une telle précision de ton que le lecteur pourra, à loisir, parcourir en s’imaginant sa propre tourtière rituelle du dimanche. 

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