Poésie entre papiers et patoises

Impossible de se lancer dans le projet scénique d’une rencontre poétique publique sans revenir un temps sur l’effervescence québécoise de jadis. C’est en effet la mémoire pleine du Refus global, de la Nuit de la poésie de 1970 ainsi que de la question incontournable de la libération nationale que s’est déclenchée cette charmante soirée. Il faut dire, le thème de la liberté se promenait par-ci par-là, dans les œuvres – actuelles, pour leur part – d’Isabelle Forest, Martin-Pierre Tremblay, Jonathan Lamy et l’animateur Thierry Dimanche. Ce n’est pas avec moins de chuchotis et de silences éloquents qu’ont été reçus certains de nos souvenirs les plus beaux – Claude Gauvreau et Pauline Harvey, pour ne nommer que ceux-là. Schizophrénie qui n’en est pas vraiment une, qui nous permet de prendre élan dans le passé pour s’élancer dans le futur.

À cœur ouvert, les poésies d’ici et de maintenant nous ont fait frissonner en répondant aux divers appels lancés par les poètes d’autrefois. Jeu historico-actuel auquel se sont superposés les tweets en direct de ceux qui s’adonnait à commenter l’expérience en cours. De même, les mouvements imprévisibles et inimitables (liberté ?) de l’animateur étaient transmis sur scène, en simultané par webcam. Le spectateur a eu droit à une pluralité d’états d’esprit synchronisés : une multitâche s’accomplissant avec beaucoup de plaisir, et autant de concentration.

Même s’il a été déroutant de vivre le spectacle en compagnie de toutes ces réactions – et que, par moments, l’intention derrière cet aménagement semblait nous échapper – l’évènement a fait preuve de fluidité. L’invitation au public 2.0 était là, dans sa version bêta. Les expressions spontanées permises via Twitter et l’animation virtuelle laissaient tantôt dans l’incongruité, tantôt dans un vague sentiment de s’être fait enlevés les mots de la tête. Intéressant.

Les points chauds de la soirée ont sans contredit été marqués par le groupe Magtogoek. Que ce soit dans un poème musical de 2 minutes ou différentes pièces plutôt irrésistibles, Mathieu Campagna et sa bande ont déversé un flot de charmes. Entre fa dièse, métonymies et dialecte électronique, on a hâte à l’an prochain.

Crédit photo : Claudy Rivard

Consulter le magazine