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Rencontré au bar du Cercle le 16 septembre dernier dans le cadre du lancement de Ton esprit tourne au noir, Guillaume Sirois
arbore l’habit noir, la cravate et les lunettes D&G. Un style qui souligne un nouveau tournant artistique ou qui dénote une prise de maturité ? Lui seul pourrait le confirmer, mais une chose est certaine, l’auteurcompositeur-interprète est passé à autre chose. « La vie nous emmène ailleurs, c’est entre autres pourquoi on arrête d’aimer quelqu’un », illustre-t-il en rapport à son départ de CEA, qui continuera dorénavant sans lui. Selon lui, son implication dans le hip hop était « pour rire, pour s’amuser. »

Le nouveau projet de Guillaume Sirois ne ressemble en rien à CEA. Colombier adopte un ton authentiquement rock, qui n’est pas sans rappeler le mouvement psychédélique fin 60 début 70. « Ma première passion, c’est le rock ‘n’ roll et la chanson, c’était naturel pour moi de me tourner vers ça », soutient l’ancien rappeur. Bien qu’il soit maintenant davantage un chanteur, Guillaume Sirois ne s’est pas entièrement dissocié de son style précédent. Ses intonations sur Ton esprit tourne au noir demeurent entre le parler et le chanter. « Avec quatre ans de pratique intensive de hip hop au niveau professionnel, tu ne peux t’en sortir sans que ça ait teinté ta forme d’écriture », apporte-t-il, avouant ne pas être un grand amateur d’envolées lyriques. « Mes idoles au niveau du texte sont Gainsbourg, Leonard Cohen, Jacques Brel et Jean Leloup. Ils sont plutôt portés vers la rythmique. »

Tout comme les compositeurs qu’il a énumérés, Guillaume Sirois accorde une place dominante aux paroles de ses chansons, qui évoquent plus qu’elles ne dénoncent. « J’ai toujours trouvé un peu grossier quand l’art devient messager », soutient le parolier. Il ajoute que les textes représentent une « réflexion assez forte sur la notion de rêve et d’espoir », aussi synonyme « d’amertume, de déception et de désillusion. » Existe toutefois en trame de fond, une forme subtile d’engagement. « Ce n’est pas à moi de dire ce qu’il faut penser, mais j’ai un sérieux doute sur tout ce qui est infrastructure de nos sociétés », estime l’ancien membre du collectif engagé CEA.

Si la carrière musicale de Guillaume Sirois s’est déroulée en grande partie à Québec, Colombier a vu le jour dans la région montréalaise, entre les murs d’une usine abandonnée. L’idée de démarrer le projet est survenue alors que Mathieu Gauthier, guitariste de la formation, et Guillaume Sirois se sont mis à produire des maquettes de chansons. Satisfaits du résultat et désireux d’en assurer la continuité, ils ont repêché des musiciens passionnés et reliés, de près ou de loin, à leur cercle de connaissance. Le batteur Alexandre Lefrançois, le bassiste Guillaume Cimon et la claviériste Sandria P. Bouliane, aussi chanteuse, sont venus compléter le groupe. C’est d’ailleurs cette dernière qui commande l’orgue Farfisa, instrument central de l’album de Colombier, responsable de la sonorité vintage des chansons. « Ça prenait quelqu’un de haut niveau qui savait bien faire sonner les orgues », spécifie le leader du groupe à propos de Sandria, doctorante en musicologie.

À moyen terme, Colombier prévoit faire la tournée des bars en hiver et des festivals en été, puis percer le marché européen francophone. Leur objectif est également de produire un album aux deux ans. Guillaume Sirois annonce qu’à long terme, il aimerait faire une incursion dans le nord-est des États-Unis. « J’aime beaucoup la sensibilité des amateurs de musique qui restent dans ce coin-là », expliquet-il. « Je crois qu’on surestime la barrière que représente la langue française. Beaucoup de gens sont très réceptifs à ça, mais ne sont pas toujours approchés de la bonne manière. »

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